Il est temps d’aborder cette question qui a fait rage depuis deux ans, qui concerne les fameux essais thérapeutiques.
Je cite à nouveau Sandrick Le Maguer, dans son étude « Au nom de la science » parue dans Ligne de Risque1 , qui résume parfaitement les enjeux du conflit entre Raoult et les autorités pharmaceutiques :
« L'IHU Méditerranée proposa dès le début de la crise un traitement précoce (à commencer dans les premiers jours de l'apparition des symptômes) à base d'Azithromycine (un antibiotique utilisé pour son effet antiviral contre les virus ARN) associé à de l'Hydroxychloroquine (molécule ayant déjà montré son efficacité contre le premier SRAS en 2003). Sélectionné par simulation informatique (docking) puis test in vitro, un essai observationnel comparé à un groupe témoin montra une annulation de la charge virale en 6 jours. Le but était d'éviter l'apparition des complications (orage inflammatoire puis SRAS plus tardif) pouvant aboutir au décès. Ce traitement anodin (la base de pharmacovigilance de l'OMS montrait que le Paracétamol était bien plus dangereux que l'Hydroxychloroquine) et repositionné (donc peu cher) fut l'objet d'un déchainement des passions comme l'on en observe rarement en sciences. Le directeur de l'IHU fut traité de charlatan ou de gourou et sa dégaine ne fut pas épargnée. Pourtant, ledit professeur était l'un des meilleurs infectiologues au monde, reconnu comme tel par ses pairs. Pendant ce temps, les autorités sanitaires lançaient de vastes essais aléatoires en double aveugle pour démontrer que ce traitement ne marchait pas. Car ce traitement ne fut jamais testé comme tel (l'on ne testa que l'Hydroxychloroquine seule) et jamais dans sa fenêtre temporelle (les premiers jours après l'apparition des symptômes), on le testa au contraire sur des patients hospitalisés déjà dans un état grave. De plus l'essai français (Discovery) utilisait un sous-dosage du produit alors que l'essai anglais (Recovery) employait une dose toxique le premier jour. A noter que ce dernier essai comptabilisait 20 % de patients dont le Covid n'était pas démontré. On préférait s'extasier devant le Remdesivir (promu par le laboratoire Gilead) dont la moindre étude, même la plus douteuse, suscitait des commentaires élogieux. La molécule allait s'avérer particulièrement toxique pour les reins, le foie et enfin le cœur. Son caractère mutagène la fit suspecter d'être à l'origine du variant Alpha. Finalement, l'OMS conclut que la molécule n'avait aucun intérêt, alors que l'Europe en avait acheté la veille pour un milliard d'euros. La France se trouvant avec un énorme stock sur les bras, correspondant à sa quote-part, tenta de l'écouler dans les hôpitaux (un médicament avéré inefficace et toxique !) avec un succès heureusement mitigé. Il s'agit du plus parfait exemple de marketing de l'industrie pharmaceutique. »
Les essais randomisés, auxquels s’opposent ou plutôt dont se distinguent les plus classiques études observationnelles, reposent sur la notion discutable et discutée de « communuauté scientifique ». D’après cette notion, ce qui n’est pas de nature à convaincre intégralement la communauté scientifique ne saurait être considéré comme scientifiquement probant. C’est ce à quoi correspond le concept inventé par Benjamin Freedman « d’équipoise clinique »
Cf. Le concept « éthique » d’équipoise2 dans les essais radomisés, selon Juliette Ferry-Danini (critique Raoult):
« Le problème est le suivant : utiliser un groupe contrôle (placebo ou non) ne serait justifié que lorsque les chercheurs se trouvent en situation dite d’incertitude à l’égard de l’efficacité relative de ces deux options. Autrement dit, faire un essai contrôlé comparant A à B ne serait éthique que lorsqu’on ne sait pas lequel des deux traitements A ou B est le plus efficace. Dans la littérature éthique, on parle d’équipoise <«état en équilibre » en anglais, traduit par « principe d’incertitude »>. Être dans une situation d’équipoise signifie que notre incertitude est en équilibre, elle ne penche pas vers A ou B.
/…/ Le but des essais cliniques est de dissiper une incertitude au sein de la communauté scientifique à propos de la supériorité d’un traitement A vis-à-vis d’un traitement B (B pouvant être un placebo). Ainsi, il ne s’agit pas simplement de considérer un scientifique seul face à ‘‘son’’ essai clinique, mais de considérer la communauté scientifique dans son ensemble. Lorsque cette communauté d’experts n’a pas établi de consensus à propos d’un traitement A, on se trouve dans une situation que Benjamin Freedman a appelée « d’équipoise clinique » (1987). /…/
Si les chercheurs ont une préférence par exemple pour le traitement A, leur incertitude n’est pas équilibrée et il ne serait plus éthique de mener l’étude. Formulé ainsi, le problème de l’équipoise semble insoluble : cet état de pure incertitude théorique semble impossible, rendant du même coup toute recherche clinique impossible. »
Cette conception collectiviste de la science est critiquée par de nombreux scientifiques et historiens des sciences.
Alain Bonafous dans « Pourquoi le culte des essais randomisés constitue une régression épistémologique », paru sur Médiapart (il est désormais intégré dans le recueil La doxa du Covid de Laurent Mucchielli3) écrit :
« Cela correspond à l’acronyme anglais de RCT (Randomised Controled Trial) qui désigne un procédé stimulus-réponse dans lequel on sélectionne de manière aléatoire les patients traités et les patients ne recevant qu’un placebo. S’y ajoutent quelques précautions comme la pratique du double aveugle, soignant et patient ne sachant pas s’il s’agit du traitement ou du placebo, ou encore un nombre suffisant d’observations d’autant plus nécessaire au pouvoir séparateur de l’essai clinique que la thérapie testée a des effets limités. S’y ajoute, surtout, la précaution la plus décisive pour la fiabilité de l’exercice qui correspond à l’adjectif ‘‘contrôlé’’ : il signifie que les facteurs présumés jouer un rôle sur le processus pathologique ont le même poids dans les deux échantillons, par exemple l’âge des patients ou les proportions de comorbidités. »
Ce que montre Alain Bonafous, en citant un article de Daniel Sackett de 1997, titré « Evidence-based medicine » et systématiquement cité en référence à l’EBM dans les revues scientifiques (plus de 10 000 citations), c’est que ‘‘les bons médecins utilisent aussi bien leur expertise clinique que les meilleures preuves externes et un seul des deux éléments n’est jamais suffisant’’».
Il cite également « Nick Black dans le British Medical Journal4( Why we need observational studies to evaluate the effectiveness of health care) qui soulignait déjà l’appauvrissement de connaissance résultant du rejet par les bailleurs de fonds de la recherche et par les éditeurs de revue de tout ce qui n’était pas du « gold standard » c’est-à-dire des RCT. En 2000, dans le New England Journal of Medicine, <A Comparison of Observational Studies and Randomized, Controlled Trials5> Kjell Benson et Arthur Hartz ont exploité 136 rapports portant sur 19 traitements et ils n’ont trouvé que dans deux cas (sur 19) une différence significative entre les résultats des deux méthodes. La même année, toujours dans le New England Journal of Medicine <Randomized, Controlled Trials, Observational Studies, and the Hierarchy of Research Designs6>, John Concato, Nirav Shah et Ralph Horwitz ont été plus précis dans la comparaison des pouvoirs séparateurs des méthodes observationnelles et des RCT en analysant 99 rapports portant sur 5 traitements cliniques qui n’ont révélé aucune différence significative entre les deux approches mais ont enregistré, au total, une dispersion de résultats bien moindre dans les études observationnelles (avec des intervalles de confiance parfois du double dans les essais randomisés). »
Enfin Bonafous cite une étude très drôle parue dans le BMJ en 2003, intitulée Parachute use to prevent death and major trauma related to gravitational challenge: systematic review of randomised controlled trials7, dont l’auteur conclut :
Continuez votre lecture avec un essai gratuit de 7 jours
Abonnez-vous à Séminaire de Stéphane Zagdanski pour continuer à lire ce post et obtenir 7 jours d'accès gratuit aux archives complètes des posts.