Le thème de l’attente n’est pas nouveau chez Heidegger. C’est un thème important dès Être et Temps, et qui bien sûr ne se limite pas à un peuple particulier mais caractérise le Dasein. Je vous cite ce qu’écrit Philippe Arjakovsky (qui a co-traduit avec Hadrien France-Lanord La dévastation et l’attente) dans le Dictionnaire Heidegger à la notice « Attente » :
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Ce thème de l’attente, on s’en doute un peu, est profondément juif, même s’il n’a rien à voir avec l’eschatologie chrétienne dont le revers est une caricature du messianisme charnel des Juifs, avides d’honneurs et de richesses, s’impatientant d’un rendez-vous (déjà manqué) avec un souverain magnifique ayant promis de relever le peuple élu de sa déchéance pour lui octroyer une toute-puissance revancharde sur les nations et le monde…
Rien de plus éloigné de cette conception mauvaise (à laquelle succombèrent beaucoup de communautés juives épuisées de persécutions, aisément dupées par Sabbataï Tsevi ou Jacob Frank) que le messianisme selon la pensée juive.
La date de la venue du Messie n’appartient pas à une temporalité commensurable. Le Talmud énonce ainsi dans le traité Sanhédrin: « Trois choses peuvent arriver à l'improviste: le Messie, une trouvaille et la piqûre d'un scorpion. » En un sens, le Messie est déjà là, toute la difficulté consiste à le rejoindre depuis sa venue. Et c’est cette difficulté, insurmontable, qui cause le « retard » du Messie, comme l’a très bien exprimé Kafka dans son Journal :
« Le Messie ne viendra que lorsqu'il ne sera plus nécessaire, il ne viendra qu'un jour après son arrivée, il ne viendra pas au dernier, mais au tout dernier jour. »
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