Venons-en maintenant à la longue et passionnante analyse du mot « falsch».
Non sans une énigmatique ambiguïté, Heidegger commence par insister sur « l’origine non allemande » du mot falsch, qui vient du latin falsum.
Il cite le Deutsches Wörterbuch des frères Grimm :
« Un ‘‘mot d’origine non allemande’’ <ein undeutsches Wort> – celui dont le regard est suffisamment ferme <nicht zu feige « pas trop lâche »> s’inquiètera de ce vers quoi fait signe cette indication <wird bei dieser Feststellung erschrecken « s’effrayera de cette constatation »> et ne le perdra plus de vue <und diesen Schrecken « et cet effroi », nie mehr « los » werden, « ne s’en débarrassera plus » > .
Cette phrase de Heidegger est étrange à bien des égards. Ainsi de l’emploi entre guillemets du mot « los », dont Heidegger ne peut ignorer qu’il signifie au sens premier le « sort », le « lot », le « destin », et dans un autre sens, ce qui n’est plus « attaché », ce qui est « délivré ». Lorsqu’une langue se « délie », lorsque le diable est « déchaîné », le mot « los », sans complément, est employé. Le mot los est par ailleurs donné par les Grimm pour rendre l’anglosaxon leàs, qui lui-même est rendu par falsus !
Pour comprendre ce qu’entend par là Heidegger, pourquoi, concernant l’origine non-allemande (undeutsch) de Falsch, il parle d’effroi <Schrecken> il faut analyser l’étrange jeu de mots qu’il fait d’abord, remarquant que les frères Grimm « qui en savent long sur le sujet » (sous-entendu, sur le sujet de ce qui est et ce qui n’est pas allemand), notent l’origine non allemande du mot Falsch « avec virulence » <ingrimm, la « rage », la « fureur »>.
Tout cela est bizarre. Pourquoi les frères Grimm auraient-ils été enragés à l’idée de la Undeutschigkeit du mot « Falsch » ?
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