“Fin de l’innocence”, “Fin du Judaïsme”, “Extinction du judaïsme”… Il y a en ce moment une furieuse propension des antisionistes à vouloir enterrer le Judaïsme et ses valeurs sous prétexte de la guerre à Gaza. Il s’agit évidemment d’une grossière entourloupe visant à cajoler sa coulpe antijuive en dissociant antisionisme viscéral et antisémitisme crasse.
Peine perdue les croque-morts ! Tout bon connaisseur du judaïsme, en hébreu et en araméen dans le texte, sait comme le Sionisme fait spirituellement partie intégrante du Judaïsme. Les Juifs, leur Texte et leur Terre - et, kabbalistiquement, leur Dieu - ne font qu’UN, comme le rappelait déjà le grand historien Heinrich Graetz (cité par Bensoussan) :
“La Torah, la nation israélite et la Terre sainte sont reliées entre elles par un rapport presque magique, elles sont indissolublement unies par un lien indestructible”.
Kafka le confirmait à Felice en 1916 :
“Le sionisme, accessible à la plupart des Juifs vivants, du moins par un bout extérieur, n’est qu’un accès vers la chose plus importante.”
Ainsi, récemment, trois croque-morts du Judaïsme se sont signalés à mon attention : Lordon et sa “Fin de l’innocence”, dont j’ai assez traité…
Agamben et sa “Fin du judaïsme”, auquel je suis en train de consacrer un véritable essai (j’en offre en exclusivité ci-dessous un long extrait aux abonnés) qui paraîtra sur la GGG en décembre, et qui sera l’occasion d’une longue nouvelle séance du Séminaire avant Noël…
Enfin l’acteur toulousain Alain Santacreu et son “Extinction du judaïsme”, qui frétille d’aisance sur son site après avoir lu le récent quodlibet d’Agamben.
Comme je l’ai écrit hier à un ami qui me signalait ce nouveau texte abject de Santacreu : “Depuis le 7 octobre, je ne fais plus de quartier à quiconque s'exprime salement sur la question.”
Voici donc la succincte coulisse de mon rapport avec Santacreu :
Il se trouve que j’ai été en contact téléphonique il y a quelques années avec lui, qui insistait pour m’inviter à faire une conférence sur la mystique juive à Toulouse. Pour diverses raisons pratiques (je crois me souvenir qu’il rechignait à me défrayer), cela ne s’est jamais fait, ce dont je me suis félicité en janvier 2024, lorsque le “contre-littérateur” (sic) eut l’impudence de m’envoyer sa première annonce funéraire intitulée “La Tsedaqah est morte” :
Ma réponse d’alors vaut pour toute future grotesque intervention concernant la “verticalité de Gaza” :
LA GGG de Stéphane Zagdanski <laggg2020@gmail.com>
mar. 16 janv. 15:05
À : Santacreu
Cher Alain Santacreu,
Je vous remercie de l'envoi de votre texte, et de votre proposition d'un texte "court", que je ne puis que décliner (on ne traite pas à la hussarde une affaire si complexe).
Il ne s'agit pas pour moi d'être ou non "en raccord", comme vous écrivez bizarrement, avec ce que vous manifestez ici, ni avec les autres textes, tous indigents intellectuellement, de votre rubrique sur Gaza, comme s'il s'agissait seulement de confronter deux conceptions divergentes d'une même réalité objective.
Il n'y a pas de comparaison possible entre mes longues, lentes, minutieuses et patientes séances de séminaire sur l'Antisionisme ou la Pensée juive, et votre méconnaissance dilettante de ces profondes questions (Judaïsme, "tsedaqah", Sionisme, Islam, etc...), que vous atrophiez en quelques pauvres étiquettes approximatives, orientées inductivement en direction de la conclusion que vous désirez tirer ("la mort de la tsedaqah", formule qui ne veut rien dire; de même que le "Yahvé" que vous invoquez candidement n'est pas le Dieu juif que vous croyez désigner - on a honte de devoir rappeler de telles évidences philologiques). Cette réduction en creux de toute sainteté ne regarde que votre inconscient et vous.
Car ce que vous évoquez avec tant de légèreté exégétique, c'est en l'occurrence à la fois une spiritualité plurimillénaire (le judaïsme) irradiée de milliers de textes dont vous ignorez tout (à commencer par la Bible, que vous lisez et citez selon les pires traductions falsificatrices non juives), et un conflit séculaire (Israël/Palestine) dont vous scotomisez la moitié de toute l'affaire : l'Islam, et sa position d'usurpation et de substitution séculaire vis-à-vis du judaïsme et des Juifs, comparable en cela au christianisme hystérisé par Véronique Lévy [dont il fait l’éloge], autre théologie de la substitution et de l'usurpation (lisez Hyam Maccoby). Ainsi, à l'instar du christianisme puis de l'islam, la cause palestinienne n'est jamais que l'oripeau géopolitique d'une vieille théologie de l'usurpation et de la substitution (d'où Nakba / Shoah, etc.). Votre condensé de cette question est grotesque d'ignorance (lisez Bernard Lewis) - et d'ailleurs inverse la chronologie théologique (l'Islam est postérieur à Israël, vous semblez l'ignorer) : "Israël n’a pas de conflit théologique avec l’islam, seulement une dispute, fraternelle mais aux fins tragiques, concernant la possession de la terre promise, les descendants d’Ismaël n’acceptant pas qu’Erets Israël puisse être destinée au seul peuple d’Israël."). Cette inversion est aussi malingre, intellectuellement parlant, que la dialectique de votre maxime qui transforme "contre-littérature" en "littérature". Tout cela est si puérilement faiblard que je ne devrais pas avoir à le signaler...
En ce qui concerne Gaza depuis le 7 octobre, il s'agit d'une guerre moderne, avec son imparable lot universel d'atrocités, entre une armée populaire régulière créée pour défendre son peuple, et une organisation paramilitaire de génocidaires suicidaires paranoïaques antisémites qui n'obéissent à aucun des principes d'honneur usuels entre soldats dignes de ce nom et qui utilisent leurs civils cyniquement comme chair à canon. Sans vouloir vous vexer, je suis obligé de vous révéler que vous ne connaissez pas grand chose non plus à ces questions complexes, qui ne sont manifestement pas de votre compétence, et que vos creuses assertions péremptoires tombent hélas à plat et ne pourront convaincre que les fanatiques philistins de la culture (certes nombreux).
Vous prendrez probablement mal mon intransigeance, mais l'époque n'est plus à la conciliation avec les claudicantes misères de l'herméneutique antisioniste.
Bien à vous.
S. Z.
La suite, sur Agamben (bienheureusement d’une autre altitude que les deux autres croque-morts), pour les abonnés :
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