Quelques avis précieux sur l'Iran, Israël, la Palestine
Analyses récentes de Georges Bensoussan, John Spencer, Benny Morris, Andrew Fox
Georges Bensoussan : «Dans le conflit israélo-palestinien, c’est la partie arabe qui a toujours refusé la solution à deux États»
LE FIGARO. - Alors que l’affrontement entre Israël et l’Iran fait les gros titres, la tragédie de Gaza se poursuit et Emmanuel Macron a plusieurs fois laissé entendre que la France pourrait reconnaître l’État palestinien . La solution à deux États n’est-elle pas la seule susceptible de mettre fin à une guerre sans fin ?
Georges BENSOUSSAN. - On peut considérer sans grand risque, et entre gens raisonnables, que la solution à deux États paraît la moins mauvaise des solutions. Voire la plus logique. Mais voilà près de quatre-vingt-dix ans déjà qu’on le dit car, a contrario des idées reçues, la partie arabe a refusé depuis 1937, et à six reprises, le partage de la Palestine en deux États. Refus du plan Peel en juillet 1937, refus du Livre blanc britannique de mai 1939 qui prévoyait pourtant l’indépendance de la Palestine dans un délai de dix ans. Refus de la résolution 181 des Nations unies du 29 novembre 1947 préconisant le partage de la Palestine en deux États. Et trois « non » successifs à la proposition d’un État palestinien au côté d’Israël émise par les premier ministre israélien Ehud Barak en 2000 et 2001 et Ehud Olmert en 2007. Le projet de 2001 rétrocédait aux Palestiniens 95% du territoire de la Cisjordanie et acceptait le principe d’une cosouveraineté sur Jérusalem. Tout se passe comme si accepter l’État palestinien revenait, de fait, à accepter le fait national israélien et c’est là que le bât blesse pour une grande part de l’opinion arabe qui ne souhaite qu’un seul État. Mais à la place d’Israël.
Pourquoi cet État de Palestine réclamé aujourd’hui comme le remède à tous les maux de la région n’a-t-il pas vu le jour entre 1949 et 1967, en Cisjordanie et à Gaza où il n’y avait alors ni Juif ni Israélien ? Deux territoires dont nul ne disait à cette époque qu’ils étaient palestiniens et qui ne le sont devenus qu’avec l’occupation israélienne de juin 1967. Maintes fois posée, cette question demeure sans réponse.
Comprendre ces blocages implique d’en référer à la place du Juif dans l’économie psychique du monde musulman où, par-delà l’abolition de la dhimma, cette condition minorée et dominée perdure dans les esprits. Quand un système de croyances s’effondre, il ne disparaît pas mais prend d’autres formes, et à cet égard, l’infériorité quasi ontologique du Juif dans la psyché arabo-musulmane paraît difficile à dépasser.
Depuis 1948 toutefois, elle est durement démentie par un État d’Israël souverain dont l’armée inflige défaite sur défaite à des musulmans. Au sens premier du terme, c’est là un impensable qui rend compte de déclarations outrancières, mais sincères sur le fond, balançant entre le déni de réalité (« l’entité sioniste ») et les appels sans filtre à la destruction de l’État juif. Un conflit prend sa source dans les mentalités sédimentées qui constituent son substrat culturel le plus profond. C’est là qu’en commence l’analyse.
Le débat sur le conflit israélo-palestinien semble hanté par le souvenir de la Seconde Guerre mondiale au point que le terme « génocide » s’est imposé dans le débat public pour qualifier la situation à Gaza. Comment expliquez-vous cette confusion historique ?
Dans une époque sans projet collectif structurant, convoquer le combat des grands ancêtres semble donner sens à une réalité médiocre. Mais la « reductio ad Hitlerum » est aussi le signe d’une inculture historique et d’une paresse intellectuelle quand, au lieu de penser à nouveaux frais une réalité nouvelle (le présent par définition étant ce qui n’a jamais été vécu), on plaque sur elle des schémas anciens en prenant le risque de ne rien comprendre ni au présent que nous vivons ni au passé que l’on convoque.
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’usage du mot génocide à propos du conflit à Gaza. Mais pas seulement car l’usage de ce mot, dès qu’il s’agit d’Israël, est aussi ancien que l’État d’Israël lui-même. En France par exemple, c’est dès 1948 que la vieille extrême droite collaborationniste qui commence à redresser la tête, accuse l’État d’Israël par la voix de Maurice Bardèche de « génocide contre les Arabes ». Pour autant, la matrice principale de cette accusation est ailleurs, dans la propagande soviétique communiste mâtinée de vieil antisémitisme russe (cf. le procès Slansky tenu à Prague en novembre 1952 où 9 des 12 accusés, tous juifs, étaient accusés de « sionisme cosmopolite », et à Moscou même, en 1952-1953, le « complot dit des Blouses blanches ») qui publie à partir de 1950, dans une multiplicité de langues, des millions de brochures « antisionistes » où « le sionisme de Tel-Aviv » (sic) est accusé de mettre ses pas dans ceux du nazisme.
La rhétorique arabe reprend à son compte cette accusation délirante tout en accueillant à bras ouverts, en Syrie et en Égypte en particulier, les anciens nazis devenus conseillers en matière de répression. À l’image d’Aloïs Brunner, dernier commandant du camp de Drancy, qui assiste le Syrien Hafez el-Assad dans ses œuvres de mort.
Les plus incultes, qui voient dans l’antisionisme une idéologie « progressiste », ignorent sans doute que l’antisionisme apparaît dès la tenue du premier congrès sioniste (Bâle, 1897) dans les milieux nationalistes d’extrême droite et cléricaux intégristes. Après la Grande Guerre et jusqu’en 1945, le nazisme et le IIIe Reich se font les champions de l’antisionisme comme le montre l’idéologue Rosenberg dès 1920 et Hitler lui-même dans Mein Kampf en 1925. Hitler, qui promet à plusieurs reprises qu’avec lui jamais un État juif ne verra le jour. À l’inverse, c’est à Paris qu’est créée fin 1946 la Ligue française pour la Palestine libre (au sens d’un État juif), qui compte parmi ses membres Jean-Paul Sartre, Jules Romains, Vercors, Raymond Aron, Simone de Beauvoir, Paul Claudel, Vladimir Jankélévitch, Louis Jouvet, Emmanuel Mounier, André Breton, Paul Éluard, François Mauriac, Maurice Merleau-Ponty et Raymond Queneau.
Paradoxe ultime, la « reductio ad Hitlerum » se fait au détriment des Juifs. Comment expliquez-vous ce retournement ?
C’est moins un paradoxe qu’une évolution logique que l’on voit ici à l’œuvre quand il s’agit de retourner notre culpabilité contre les Juifs dont la seule présence rappelle le crime commis par nos ascendants. Cette culpabilité est lourde à porter. Accuser les Juifs d’aujourd’hui d’un crime dont leur peuple a failli périr tout entier, c’est une habile façon de se débarrasser de ce poids moral.
Au-delà de la question israélo-palestinienne, les références aux années 1930 ou à la Seconde Guerre mondiale sont omniprésentes dans le débat public. Que vous inspire cette orgie d’analogies historiques ?
Elle traduit en premier lieu une perte de repères et réfère à un processus plus large de dépolitisation qui transforme l’histoire en tribunal et l’historien en procureur. En réalité, c’est tout le champ du politique qui migre aujourd’hui vers le terrain d’un moralisme fadasse, cette posture du bien dans laquelle se fige une conscience fière d’elle-même. Ces dernières semaines, le conflit israélo-arabe a donné lieu à la publication de nombreuses tribunes où des « Juifs sublimes » venaient dire combien l’action de l’armée israélienne à Gaza avait « endolori leur judaïsme ». Mais sans nous dire comment venir à bout d’une organisation islamiste totalitaire et de nature génocidaire qui use de sa population civile pour protéger ses armes. À ce sujet, tout a déjà été dit et documenté ad nauseam, mais apparemment en vain. Car la situation était piégée dès le 8 octobre et l’État d’Israël ne pouvait pas éviter ce piège. Qu’il attaque ou non, il avait déjà perdu la bataille de l’opinion face au Hamas qui espérant de son côté le plus de victimes civiles possible, savait qu’il entraînerait l’État juif dans sa chute et dégraderait son image internationale. Cela, tout le monde le sait aujourd’hui. D’où cette question : pourquoi chez certains, le besoin ostentatoire de vertu, par souci de posture sociale, a-t-il contribué à occulter la complexité de cette guerre ?
Vous avez souvent écrit que la mémoire de la Shoah était devenue aveuglante. Iriez-vous jusqu’à dire que la mémoire dévoyée de la Seconde Guerre mondiale vient désormais brouiller le débat public ?
Alors qu’il y a cinquante ans, la Shoah existait à peine dans la Seconde Guerre mondiale, aujourd’hui le conflit mondial est souvent ramené à la Shoah. C’est un écran au double sens du terme qui permet de voir en même temps qu’il empêche. Cette tyrannie de la mémoire dont parlait souvent Pierre Nora contribue à rendre notre présent plus opaque encore. C’est ainsi qu’à propos du Rassemblement national, on convoquera sur-le-champ le régime de Vichy, et qu’à propos de Giorgia Meloni, on évoquera le fascisme italien. Récemment, un de ces « Juifs sublimes » écrivait de Netanyahou qu’il était l’héritier de Menahem Begin, et ce dernier de Jabotinsky, celui-là même, expliquait-il, dont les militants s’entraînaient jadis dans une base navale de l’Italie fasciste. CQFD. Netanyahou est donc bien l’héritier de la « marche sur Rome » de 1922. Cette stupidité généalogique enferme dans les racines quand la vie, elle, les transcende pour prendre le visage d’identités en mouvement.
Comment l’Histoire et en particulier cette histoire peut-elle être, malgré tout, utile pour comprendre notre présent ?
L’accusation réitérée de génocide lancée contre l’État d’Israël est inséparable de la vieille accusation de déicide. À ce grief des temps religieux correspond dans les temps séculiers le crime suprême de génocide, deux crimes qui vous excluent de l’espèce humaine.
Seule l’histoire de la longue durée permet de comprendre que la menace existentielle qui pèse sur l’État d’Israël est la même depuis 1948, et que depuis cette date elle n’a qu’une seule cause, indéfiniment répétée et indéfiniment masquée, le refus arabe d’une souveraineté juive sur une partie de cette terre. Ce refus a beau être maquillé de mille façons et déguisé en combat anticolonialiste et progressiste, il reste un combat raciste au sens de l’impossibilité d’accepter les Juifs sur un plan d’égalité. Un combat « sudiste » (Nathan Weinstock) incapable d’accepter l’émancipation des anciens dominés. Un combat injuste quand celui qui a tout dispute des miettes de territoire à un peuple qui n’a rien.
L’histoire désaliène quand elle met à nu la formidable inversion qui caractérise ce conflit et qui, à ce titre, mérite notre admiration. Quand l’agresseur est grimé en agressé, quand le colonisateur est grimé en colonisé et quand le partisan de la dhimma (cf. l’article 31 de la Charte du Hamas) est maquillé en victime de l’ « apartheid israélien ». Alors qu’au terme d’une sourde purification ethnique, il ne reste aujourd’hui quasiment plus de Juifs dans le monde arabe. On retrouve cette inversion dans l’histoire de la démonologie antisémite quand ce « peuple d’élite » accusé de dominer le monde comme l’assuraient les Protocoles des Sages de Sion (1903), est anéanti quarante ans plus tard à Treblinka comme un « pauvre troupeau ». C’était donc ça les « maîtres du monde » ? Des foules sérialisées et anéanties plongées dans une déréliction sans appel.
C’est la même inversion à laquelle on assiste aujourd’hui entre une puissance grimée en « colonialiste génocidaire » et la réalité d’un îlot de peuplement juif menant un combat existentiel au cœur d’un Proche-Orient arabe et musulman. Un État accusé de génocide quand c’est précisément le crime qu’on rêve de lui faire subir comme le montrent les déclarations des chefs du Hamas. Et du régime iranien. Mais le réel ici n’a plus de prise, il n’a même plus aucune importance, car « l’important n’est pas ce qui est vrai, mais ce qui est cru » (Talleyrand). Le vrai a disparu pour laisser place au bien.
L’histoire aide à comprendre à la condition de ne pas commencer l’étude d’une situation par la fin. Ici par la désolation de Gaza en 2025. Mais de partir du milieu du dix-neuvième siècle quand le sursaut hébraïque (et national) venu de la Palestine ottomane (rejoint par le mouvement sioniste né en Europe orientale), se voit opposer un refus inentamé et quasi inentamable d’émancipation sur la terre des ancêtres. Un refus déguisé aujourd’hui en combat anticolonial.
Peut-être étudiera-t-on demain comme un cas d’école cette inversion de la réalité telle qu’on la voit à l’œuvre dans les systèmes totalitaires. En 1933, au plus fort de l’Holodomor, le quasi-génocide par la faim organisé en Ukraine par le Parti communiste de l’URSS, le premier responsable de cette catastrophe, Joseph Staline, évoquait devant le comité central de son parti « l’homme, ce capital le plus précieux ». Si l’histoire, dont Paul Valéry se méfiait au plus haut point, a quelque fonction, c’est au moins celle-là, démonter les supercheries du loup déguisé en agneau et du combat réactionnaire déguisé en lutte anticoloniale de libération.
Déshumanisation et génocide
Benny Morris, 19 juin 2025
Israël n'a pas commis de génocide et n'en commet pas à Gaza.
Il n'existe pas de politique gouvernementale visant à exterminer le peuple palestinien, même si quelques ministres du cabinet ont fait référence à « Amalek », la tribu ou le peuple que la Bible a désigné pour la destruction. Cependant, il n'y a pas de politique gouvernementale, pas de plan, pas d'intention, pas d'activation d'un plan visant à tuer le peuple palestinien. Le génocide est une affaire « top-down », un projet national, décidé par un gouvernement ou un parti au pouvoir. Les petits massacres en temps de guerre sont généralement des affaires « bottom-up », avec des sergents, des lieutenants, des capitaines ordonnant des tueries, comme à My Lai au Vietnam. Mais les génocides sont des projets nationaux organisés.
Les procureurs de La Haye ou les historiens comme Omer Bartov de l'Université Brown peuvent affirmer qu'il y a un « génocide » à Gaza – mais Bartov et ses semblables devraient mieux savoir. Nous – et lui – savons à quoi ressemble un génocide, à quoi il ressemblait pendant l'Holocauste, à quoi il ressemblait lorsque les Turcs ont exterminé les Arméniens pendant la Première Guerre mondiale et les Grecs d'Asie Mineure après cette guerre. Des millions de personnes sont mortes, systématiquement, conformément à une politique et à un plan.
Oui, il y a eu, probablement beaucoup, des crimes de guerre israéliens pendant les 19 mois de la guerre de Gaza – mais il n'y a eu aucun effort pour anéantir les Palestiniens – et le génocide signifie le meurtre d'un peuple ou d'un groupe religieux ou ethnique ou l'effort pour le faire. Cela ne s'est pas produit à Gaza et ce n'est pas ce qui est en train de se produire – même si des dizaines de milliers de Gazaouis ont été tués au cours des 19 derniers mois, beaucoup d'entre eux étant des non-combattants.
Mais le génocide pourrait encore se produire, à mesure que cette guerre entre Israël et les islamistes qui l'ont assailli, à partir du 7 octobre 2023, se poursuit, ou à une date future, car les Israéliens, psychologiquement, sont dans une boucle qui pourrait se terminer par un meurtre de masse. Les cœurs et les esprits, certainement chez une bonne partie du public israélien, sont conditionnés au génocide. Une grande partie du public israélien de plus en plus religieux fait référence à « Amalek » – et beaucoup parlent, encore à voix basse, de déraciner « les Palestiniens » de Palestine, et pas seulement de la bande de Gaza.
Le président Trump a en fait été le premier dirigeant national à avoir publiquement préconisé le retrait des Palestiniens de la bande de Gaza, et, depuis, le Premier ministre Netanyahou a approuvé l'idée, bien qu'il ait parlé de « transfert volontaire » plutôt que d'expulsion (forcée). Mais, bien sûr, dans les circonstances qui prévalent dans la bande de Gaza, avec la majeure partie de la population vivant dans des campements de fortune, sans infrastructure et sous la menace constante de la famine et des bombardements, il n'existe pas de « transfert volontaire » ; l'évacuation et la fuite seraient contraintes et forcées.
Et, Gaza mise à part, et sans de telles déclarations publiques, il y a un nettoyage ethnique qui se produit aujourd'hui dans certaines parties de la Cisjordanie, orchestré par les colons et de diverses manières soutenu par l'État, dans la vallée du Jourdain, dans le sud des collines d'Hébron, etc.
Antécédents historiques et parallèles
Occasionnellement, le génocide a été précédé de nettoyage ethnique ou de transfert. Il convient de rappeler que les nazis, au cours des années 1939-1940, parlaient d'expulser et d'exiler les Juifs – émigration forcée organisée – d'Europe, vers Madagascar ou ailleurs, avant que l'expulsion ne soit rendue impossible et que les portes de l'émigration d'Europe ne se ferment, et que les nazis ne passent à la « solution finale » par le meurtre de masse.
Ces derniers mois, divers dirigeants religieux israéliens ont périodiquement parlé de la nécessité ou de l'opportunité de raser les villes cisjordaniennes de Naplouse et Jénine et des villages spécifiques de Cisjordanie à la suite d'attaques terroristes palestiniennes contre des Juifs, en Israël ou en Cisjordanie, ou de raser ou d'effacer Gaza. Et il n'y a pas que les politiciens des colons ou de droite. En effet, il y a deux mois, lorsque deux femmes de la colonie cisjordanienne de Kedumim ont été assassinées par des terroristes palestiniens, les orateurs lors de leurs funérailles ont appelé à raser les villes palestiniennes voisines.
Déshumanisation des Palestiniens
Au fil des décennies, les Israéliens ont été conditionnés à ne pas voir les Palestiniens comme des êtres humains. Le terrorisme palestinien, la réalité de l'occupation d'un autre peuple, où les occupants traitent régulièrement les occupés comme moins qu'humains, et les atrocités du Hamas le 7 octobre – meurtres de masse, viols de masse, meurtres d'enfants devant leurs parents et de parents devant leurs enfants – et, plus récemment, l'apparition d'otages israéliens rentrant chez eux, émaciés, psychologiquement endommagés, avec des récits de mauvais traitements et de torture aux mains de leurs ravisseurs, tout cela a contribué à déshumaniser les Palestiniens, à une diabolisation générale de « l'autre » dans l'esprit israélien. Le fait que le Hamas semble, dans la plupart des sondages d'opinion, à Gaza et en Cisjordanie, toujours jouir d'un soutien populaire renforce sans doute la vision des Israéliens sur « les Palestiniens ».
Il y a quelques années, un ministre du cabinet israélien, Rafael Eitan (ancien chef d'état-major général de l'armée israélienne) – parlait des Palestiniens occupés comme de « cafards dans une bouteille ». Il a été réprimandé à l'époque par de nombreux Israéliens. Un tel discours aujourd'hui passe presque inaperçu ou sans désaccord.
En effet, le public israélien, au cours de la guerre actuelle, présentée comme existentielle, est devenu insensible à la souffrance palestinienne et aux décès massifs. Selon les chiffres du ministère de la Santé du Hamas, qui sont approuvés par les agences occidentales, quelque 30 000 civils gazaouis, la plupart des femmes et des enfants, ont été tués jusqu'à présent à Gaza, aux côtés de quelque 20 000 combattants du Hamas. Parler d'affamer les Palestiniens pour obtenir la défaite du Hamas est maintenant monnaie courante (bien que des camions de nourriture entrent à nouveau dans la Bande). Mais pendant environ deux mois, à partir de la mi-mars, le gouvernement israélien a arrêté les livraisons à la bande de Gaza ; aucun camion de nourriture, d'eau ou d'électricité n'est entré dans la Bande. Quelques Israéliens ont protesté, mais pas beaucoup. Et la violence et le harcèlement des Palestiniens en Cisjordanie – où il n'y a pas de guerre et, franchement, peu de terrorisme (largement parce que l'armée israélienne a recouvert le territoire de troupes) – ont continué sans interruption pendant de nombreux mois et peu d'Israéliens semblent s'en soucier.
Le processus continu de déshumanisation est apparent et évident d'après les témoignages de soldats de l'armée israélienne, publiés sur les médias sociaux, dans le quotidien Haaretz, et occasionnellement sur les chaînes de télévision. De même, la brutalité des soldats, de la police et des gardiens de prison envers les prisonniers palestiniens dans les prisons et les centres de détention – où les passages à tabac, et les tortures occasionnelles, de détenus – ont été courants, surtout pendant les premiers mois de cette guerre, n'a suscité qu'une critique occasionnelle, avec presque aucune ingérence de la part du système judiciaire israélien. Les médias israéliens ont été largement silencieux et ont consacré peu d'espace à ces questions. Et le gouvernement israélien s'emploie à punir Haaretz (pas de publicité gouvernementale) et à tenter de fermer les chaînes de télévision critiques – 11, 12 et 13.
Déshumanisation des Juifs
Sans aucun doute, ce processus de déshumanisation de l'Arabe découle en partie du processus parallèle de déshumanisation des Juifs dans l'esprit de nos voisins palestiniens.
Les fondements de cette déshumanisation des Juifs ont été posés aux débuts de l'Islam, dans les récits du Coran sur la première rencontre entre Mahomet et ses partisans et les tribus juives du Hijaz dans la péninsule arabique. Dans le Coran, les Juifs sont dépeints comme un peuple vil, et sont appelés « meurtriers de prophètes » (le livre allègue que les Juifs ont tenté à plusieurs reprises d'empoisonner Mahomet et, en arrière-plan, plane l'ombre du meurtre du « prophète » Jésus) et sont décrits comme des descendants de « porcs et de singes ». Lors de cette rencontre du 7ème siècle, pendant l'essor de l'Islam, les tribus juives ont finalement été anéanties par Mahomet et ses partisans, tuées ou expulsées, violées, réduites en esclavage et assassinées. C'est ce que nous dit le Coran – le Coran sur les sourates duquel les Musulmans sont élevés.
Ces postulats sont repris dans la Charte fondatrice du Hamas de 1988, qui enjoint aux musulmans de tuer les Juifs en fuite se cachant derrière les arbres et les rochers. En effet, les rochers et les arbres appellent activement les croyants à venir tuer les Juifs qui se cachent derrière eux.
La pensée dans la Charte du Hamas vis-à-vis des Juifs est franchement antisémite et génocidaire. Les Juifs sont le diable – les instigateurs de la Première Guerre mondiale et de la Seconde Guerre mondiale, responsables des révolutions française et russe, et de la création des Nations Unies. La représentation négative de l'ONU est bien sûr liée au vote de l'Assemblée générale de l'ONU en 1947 pour partitionner la Palestine et établir un État juif dans le territoire partitionné. Bien sûr, dans les circonstances actuelles, cette accusation est ironique, étant donné le soutien routinier de l'Assemblée générale de l'ONU aux Palestiniens au fil des décennies et l'attachement actuel des Palestiniens à cette résolution de partition de 1947 comme approuvant et légitimant l'État palestinien.
Depuis le 7 octobre 2023, une grande partie des médias arabes, en Palestine et en dehors du pays, ont glorifié les tueurs du Hamas (tout en niant ou en ignorant généralement les atrocités qui ont accompagné l'assaut massif ce jour-là sur le sud d'Israël). La haine que ce massacre d'environ 1100 Israéliens a exprimée découle en partie de la description des Juifs dans le Coran et de la charte du Hamas. Pendant deux générations, les jeunes de la bande de Gaza, de la maternelle à l'âge adulte, ont été éduqués par le système éducatif géré par le Hamas selon ces lignes.
Mais la haine des Palestiniens de Gaza envers les Juifs n'est pas simplement un enfant de l'idéologie. L'histoire et les actions des Juifs ont également joué un rôle majeur. Les principales étapes, importantes dans l'esprit de chaque Palestinien, à Gaza comme en Cisjordanie, sont le déracinement d'environ deux tiers des Palestiniens de leurs foyers en 1948 et leur statut de réfugiés, et, depuis 1967, l'oppression subie par les Arabes de Cisjordanie et de Gaza sous la botte de l'occupation israélienne, jamais vraiment éclairée, fréquemment brutale et toujours humiliante. Au fil des décennies, des centaines de milliers de Palestiniens ont passé du temps dans les prisons israéliennes, souvent une longue période. À Gaza, les Arabes ont vécu sous une sorte de siège, principalement par Israël mais aussi par les Égyptiens, pendant près de deux décennies, incapables d'entrer ou de sortir, et étant périodiquement bombardés et attaqués par les airs et le sol en réponse aux tirs de roquettes des terroristes sur Israël. Le meurtre de masse et le déplacement des Palestiniens de Gaza au cours des 19 derniers mois n'ont fait qu'accroître la déshumanisation du Juif israélien aux yeux des Arabes et ont sans aucun doute accru la volonté de massacrer encore et encore des Juifs. Au point, j'oserais dire, soutenu par les écritures saintes islamiques, d'un génocide.
Déshumanisation des Arabes par les Juifs
Pour les Juifs, le processus de déshumanisation de l'Arabe palestinien est également de durée historique. Il commence aussi avec les écritures saintes, la Bible, les Palestiniens étant présentés comme les derniers d'une longue histoire de persécuteurs, d'oppresseurs et de meurtriers des Juifs à travers les âges. En effet, en Israël, les combattants du Hamas sont presque systématiquement qualifiés de « nazis ». L'hostilité des habitants de Canaan envers la conquête et la colonisation hébraïques de la terre il y a environ 3 000 ans, avec « Amalek » comme mot d'ordre, a été suivie, de nombreux siècles plus tard, par le meurtre de masse de Juifs par d'autres « goyim », ainsi que par des Arabes, dans les décennies après que les Romains ont écrasé les révoltes juives aux premier et deuxième siècles, culminant avec l'Holocauste. Les jeunes Israéliens sont élevés avec cela dans le système scolaire israélien. On entend souvent parler du massacre de Juifs par les chrétiens au cours des deux derniers millénaires. Mais les musulmans aussi ont périodiquement déclenché des pogroms contre leurs voisins juifs dans les terres arabes depuis le Moyen Âge. Tout au long de cette période, jusqu'au 20e siècle, les Juifs dans les terres arabes ont souffert en permanence d'humiliations et, assez souvent, de persécutions. Cette histoire, jusqu'au Farhoud à Bagdad en 1941, où des centaines de personnes ont été assassinées et de nombreuses centaines violées, et les pogroms à Aden, Alep, en Libye, à Bahreïn et au Maroc en 1947-1948, occupe certainement une place importante dans l'esprit des Israéliens d'origine moyen-orientale.
Depuis la fondation d'Israël pendant la guerre de 1948, qui a été ponctuée de massacres d'Arabes par les Juifs (ainsi que de massacres de Juifs par les Arabes, bien sûr), l'État juif et ses citoyens ont été soumis à un terrorisme palestinien presque continu. Cela a culminé le 7 octobre, préparant les Juifs d'Israël au génocide. Et on peut compter sur les Palestiniens, dans les mois et les années à venir, pour commettre de nouvelles atrocités contre les Juifs d'Israël qui pourraient allumer la mèche d'une réaction génocidaire – comme un massacre de colons israéliens en Cisjordanie, des attaques de roquettes réussies sur les centres de population israéliens, l'abattage d'un avion de passagers israélien, ou l'empoisonnement des ressources en eau d'Israël.
Conclusion
N'importe lequel de ces événements pourrait déclencher une réponse génocidaire de la part d'un peuple conditionné à considérer les Palestiniens comme moins qu'humains. Mais chez les Juifs, il existe un facteur significatif qui inhibe la commission du génocide : l'Holocauste. Bien qu'il ait gravé profondément dans la psyché juive les soupçons d'intentions génocidaires des goyim et un désir de vengeance contre les goyim (et dans la guerre de 1948, les souvenirs de l'Holocauste ont joué un rôle dans les crimes de guerre contre les Palestiniens), l'Holocauste a également implanté chez les Juifs une résistance instinctive à s'engager eux-mêmes sur une voie similaire. Néanmoins, si aucun compromis n'est trouvé dans le conflit israélo-palestinien, qui ne peut être basé que sur une solution à deux États, un meurtre de masse pourrait s'ensuivre. Inévitablement, il sera perpétré par la partie la plus forte.
Benny Morris : “Le programme nucléaire iranien est l’obsession de Netanyahou. Et celle de beaucoup d’Israéliens, moi inclus”
Benny Morris, 25 juin 2025
Si certaines vérités historiques sont trop souvent tues, leur énonciation ne suppose pourtant pas de prendre la pose du démystificateur. C’est le grand mérite de cet entretien avec Benny Morris, d’abord paru dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung le 20 juin 2025 [à la veille de l’attaque américaine], que d’illustrer la manière dont un travail historique précis et lucide permet de salutaires mises au point politiques. Alors que la guerre avec l’Iran faisait rage, l’historien israélien, figure majeure des « nouveaux historiens » dans les années 1980 et auteur de The Birth of the Palestinian Refugee Problem, 1947–1949[1] – ouvrage pionnier sur les causes de l’exode palestinien – revenait sur les racines du conflit au Moyen-Orient et les mythes qui les entourent.
Il se peut que vous deviez vous rendre dans un abri pendant notre entretien.
Benny Morris : Je devrais, mais je préfère ne pas le faire.
Comment Israël va-t-il poursuivre son action en Iran ?
BM : Israël va intensifier ses attaques contre les institutions gouvernementales iraniennes et les infrastructures publiques. Certaines mesures, telles que la destruction des installations pétrolières sur l’île de Kharg et dans le sud-ouest, n’ont pas encore été prises. On sait que des centaines de milliers de personnes fuient déjà Téhéran. Il est possible qu’une grande partie de la population s’attende à ce qu’Israël fasse ces choses.
Israël vise-t-il un changement de régime ?
BM : Je veux bien le croire. Mais je le considère comme peu probable. Le régime est très fort et très répressif. Ce régime n’est pas comme celui du Shah, qui s’est finalement effondré comme un château de cartes lorsque de grandes manifestations populaires ont eu lieu.
Certaines voix israéliennes affirment qu’Israël a trop à perdre dans cette nouvelle guerre.
BM : Israël a été habitué par le Hamas et le Hezbollah à des attaques à la roquette. Leurs roquettes contiennent trente ou cinquante kilos d’explosifs, mais les roquettes iraniennes en contiennent environ 500, voire 2.000.
Vous vous attendez à une guerre longue ?
BM : Il y aura une pression internationale sur Israël pour qu’il mette fin à cette guerre. Cela dépend des États-Unis, c’est la seule pression internationale susceptible d’influencer Israël. Jusqu’à présent, le projet nucléaire, qui semble être l’objectif principal des Israéliens, ne semble pas avoir subi de dommages très importants. Les installations sont très dispersées, les grandes structures à Natanz, Fordo et ailleurs sont souterraines et difficiles à détruire réellement. Israël a probablement demandé à Trump, qui n’est pas connu pour sa fiabilité, de s’occuper de ces structures difficiles à détruire[2].
Certains prétendent, comme on pouvait s’y attendre, que Netanyahou veut détourner l’attention de Gaza.
BM : C’est absurde. On peut discuter du fait que Netanyahou ait prolongé la guerre à Gaza ces 19 derniers mois pour rester au pouvoir et empêcher de nouvelles élections, mais là, il s’agit d’autre chose. Nous parlons ici de l’obsession de Netanyahou : le programme nucléaire iranien. Et il n’était pas le seul à en être obsédé, beaucoup d’Israéliens comme moi l’étaient aussi. Les Israéliens ont récemment reçu des informations selon lesquelles les Iraniens ont fait des progrès dans l’enrichissement de l’uranium et pourraient très bientôt entrer dans la phase décisive où cet uranium sera intégré dans des ogives.
Israël commet-il un génocide à Gaza ?
BM : Je ne suis pas spécialiste du génocide, mais j’ai écrit avec Dror Ze’evi un livre sur le génocide turc des Arméniens, des Grecs et des Syriens entre 1894 et 1924. Je sais à quoi ressemble un génocide. Un génocide doit être organisé par l’État, être systématique et avoir un objectif précis. Et il doit y avoir une intention réelle d’exterminer un peuple. Or, ces deux conditions ne sont pas remplies dans le cas des Palestiniens, sauf peut-être pour quelques ministres israéliens. Les frappes aériennes israéliennes visent les combattants du Hamas. On sait qu’ils se cachent sous des installations civiles, c’est pourquoi d’autres personnes sont tuées, ce qui est même autorisé par le droit international. Se pose alors la question de la proportionnalité.
Il ne reste presque plus rien de Gaza.
BM : Il y a 2,3 millions de Palestiniens à Gaza, deux tiers des bâtiments sont détruits en tout ou en partie, mais les gens vivent dans des camps de tentes et au milieu des ruines – les tuer n’est pas le but des attaques israéliennes. Les images ne montrent jamais de combattants du Hamas, mais presque toujours des femmes et des enfants, ce qui est un peu étrange, car Israël a tué environ 20 000 combattants du Hamas. On ne voit jamais non plus de combattants du Hamas armés tuant des soldats israéliens. On ne les voit tout simplement jamais. Et on mentionne à peine que le Hamas a attaqué Israël le 7 octobre 2023, tuant 1.200 Israéliens, pour la plupart des civils, et en kidnappant 250 autres.
Vous avez déclaré au journal Haaretz que les cœurs des Israéliens seraient conditionnés pour un génocide.
BM : Cela tient à l’esprit du pays et à ce qui s’est passé ici au cours des dernières décennies, depuis que la droite est arrivée au pouvoir et domine le système éducatif de différentes manières, en particulier depuis le 7 octobre. Les gens sont conditionnés à considérer les Palestiniens comme des sous-hommes, et cette déshumanisation est une condition préalable nécessaire à un éventuel génocide. Les nazis ont déshumanisé les Juifs, puis ils les ont tués. Les Turcs ont déshumanisé les Arméniens et les Grecs, puis ils les ont tués. En même temps, cela est le miroir du conditionnement des Palestiniens à l’égard des Israéliens. Les Palestiniens considèrent aujourd’hui les Israéliens comme des sous-hommes ou des démons, un mélange d’êtres tout-puissants et faibles à la fois. Ils le font depuis le début du projet sioniste dans les années 1880, et de manière plus intense depuis 1948 et 1967. Il existe donc un processus parallèle de déshumanisation des deux côtés. Les Israéliens sont plus puissants, mais le Hamas est une organisation génocidaire.
En tant que membre des « nouveaux historiens », vous avez commencé dans les années 1980 à faire la lumière sur la fuite et l’expulsion des Palestiniens par les milices juives lors de la création de l’État. Pendant la guerre de 1947-1948, environ 700.000 Arabes ont été expulsés. Dans votre livre The Birth Of The Palestinian Refugee Problem [La naissance du problème des réfugiés palestiniens, inédit en français], vous montrez toutefois avec précision que les sionistes n’avaient alors aucun plan pour expulser les Arabes. Alors quoi ?
BM : Le mouvement sioniste n’a jamais eu de politique officielle ni de programme visant à expulser les Arabes. Cependant, les dirigeants sionistes ont envisagé des transferts de population, qui revenaient de fait à des expulsions. Ce processus a été déclenché au milieu des années 1930 par une série d’événements, notamment la montée de l’antisémitisme en Europe, qui a rendu nécessaire la création d’un refuge sûr pour les Juifs. Or, entre 1936 et 1939, la révolte arabe a rendu la Palestine dangereuse pour les réfugiés juifs qui arrivaient. En 1936, les Britanniques ont envoyé une commission en Palestine, la commission Peel. Elle proposa une partition de la Palestine, avec la création d’un petit État juif à côté d’un État arabe plus grand dans une Palestine divisée. En outre, la commission recommanda le transfert, c’est-à-dire essentiellement l’expulsion des Palestiniens du territoire destiné à la souveraineté juive en Palestine.
Cela signifie que la commission britannique a proposé d’expulser les quelque 200 000 Palestiniens du territoire sur lequel le petit État juif devait être créé, soit environ 20 % de la superficie de la Palestine ?
BM : Ils ont dit que la solution logique consistait à déplacer les Arabes hors de l’État juif. Nous parlons ici de 1.250 Juifs qui auraient dû quitter la zone réservée aux Arabes et aux Britanniques, contre 250.000 Arabes devant quitter la partie juive. Il s’agissait donc en fait d’expulser les Arabes du territoire du très petit État juif. Après que les Britanniques eurent approuvé l’idée d’expulser les Palestiniens d’un État juif en plein essor, Ben Gourion et Weizmann se sont dit que si les Britanniques, qui sont un pays démocratique et éclairé, pouvaient le dire, alors nous pouvions également l’accepter. Cette façon de penser existait donc avant 1948, mais elle ne s’est jamais traduite en une politique directe – personne ne l’a officiellement soutenue, mais dans les lettres et les écrits privés de Ben Gourion et de Weizmann, on trouve le soutien à cette idée d’un transfert des Arabes.
Puis les Arabes ont attaqué le Yishouv.
BM : En 1948, les Arabes palestiniens ont attaqué les Juifs, suivis par les États arabes. Et on pensait que ce serait une bonne chose que les Arabes fuient, car alors on pourrait avoir un État juif avec le moins d’Arabes hostiles possible en son sein.
Pourquoi l’attitude pro-sioniste des Britanniques a-t-elle changé au début de la Seconde Guerre mondiale ?
BM : Des hommes comme Churchill sont restés pro-sionistes, mais sous Chamberlain, le gouvernement britannique s’est tourné vers l’antisionisme autour de 1936/37. Les Britanniques étaient confrontés à trois puissances montantes, agressives et rivales qui défiaient leur Empire : l’Allemagne, le Japon et l’Italie. Dans ce contexte, ils voulaient mettre fin à la révolte arabe et neutraliser l’antagonisme arabe envers les Britanniques, afin que les Arabes ne soutiennent pas les puissances fascistes. En 1939, les Britanniques ont publié un livre blanc, une déclaration dans laquelle ils ont tout simplement restreint l’immigration juive en Palestine. Ils ont limité l’immigration juive sur une période de cinq ans, à 15 000 personnes par an, avec un maximum de 75 000 Juifs autorisés à entrer en Palestine, et à partir de ce moment-là, toute nouvelle immigration juive devait dépendre d’un accord arabe qui ne serait jamais conclu. Ils comprenaient que les Arabes allaient refuser, et qu’il y aurait donc dès lors une majorité arabe dans le pays. La deuxième clause du Livre blanc stipulait que la majorité du pays déterminerait le caractère du pays et qu’il obtiendrait son indépendance dans un délai de dix ans. En somme, ils ont dit aux Arabes qu’ils leur accorderaient l’indépendance dans un pays à majorité arabe dans les dix années à venir.
Quelle était la superficie des terres privées arabes en Palestine en 1947 ? On accuse les Juifs d’avoir volé des terres.
BM : Il faudrait enfin mettre un terme à ce mensonge. Les terres que les Juifs ont accumulées entre le début du mouvement sioniste dans les années 1880 et 1948 ont été achetées à des Arabes. Lorsqu’ils ont commencé à acheter des biens immobiliers, les prix ont augmenté, ce qui a incité davantage d’Arabes à vendre. En 1948, environ 7 % de la superficie de la Palestine était probablement détenue par des Juifs privés. La propagande arabe aime laisser entendre que les 93 % restants appartenaient aux Arabes, mais c’est faux. Les Arabes possédaient entre 20 et 30 % du territoire, le reste étant des terres domaniales : avant 1917, elles appartenaient à l’Empire ottoman, puis entre 1918 et 1948, elles étaient sous mandat britannique. En 1948, Israël a conquis des terres qui appartenaient à des Palestiniens et des terres qui, selon la résolution de partition de l’ONU de novembre 1947, étaient destinées à la souveraineté palestinienne arabe, et a également conquis des territoires arabes.
À quand remonte le début du nationalisme arabe palestinien ?
BM : Le nationalisme palestinien a commencé en juillet 1920. Les Français ont conquis Damas et sont ensuite devenus gouverneurs de la Syrie et du Liban. À partir de ce moment, les Arabes qui vivaient en Palestine ont cessé de se considérer comme des Syriens du Sud. Jusque-là, personne ne parlait de Palestiniens, ce mot n’existait pas. Les Arabes qui vivaient en Palestine savaient que leur devenir était lié à celui du sionisme. À partir de ce moment-là, un nationalisme palestinien arabe distinct s’est développé, contrastant avec le nationalisme syrien, qui se voulait panarabe. Il a fallu ensuite des décennies pour que les masses palestiniennes deviennent des Palestiniens. Auparavant, ils se considéraient comme des habitants de Haïfa, comme des Arabes, comme des musulmans, mais pas nécessairement comme des Arabes palestiniens. C’est à partir de juillet 1920 que l’élite palestinienne a commencé à réfléchir à un mouvement palestinien. En 1936-1939, il y a eu le soulèvement contre les Britanniques, puis en 1947-1948, un mouvement national palestinien arabe a pris consistance. Le terme « Palestinien » n’est répandu que depuis les années 1960.
Qu’en est-il de la mémoire des 800 000 Juifs qui ont fui les pays arabes ?
BM : Je pense qu’on dit que les Juifs ont soutenu le sionisme et qu’ils sont donc partis.
Il y a pourtant eu des pogroms contre les Juifs.
BM : En 1948, il y a eu des pogroms en Syrie et à Bahreïn, en Libye et au Maroc. En Égypte et en Irak, il y a eu une grande persécution des Juifs et, bien sûr, un pogrom au Yémen. Mais je ne vois pas que l’on en parle. Il y avait bien sûr aussi un facteur d’attraction. Les Juifs de Palestine, c’est-à-dire les chefs du gouvernement, voulaient que les Juifs des pays arabes viennent en Palestine parce qu’ils n’avaient pas assez de main-d’œuvre. La main-d’œuvre qu’ils espéraient voir venir en Palestine a été tuée par les Allemands et leurs acolytes pendant la Seconde Guerre mondiale, pendant la Shoah, et c’est pourquoi ils se sont tournés vers les Juifs des pays arabes, qu’ils n’avaient pas vraiment voulus en 1948. Mais 80 à 90 % des Juifs sont venus en Israël parce qu’ils n’avaient nulle part ailleurs où aller.
Qu’en est-il des archives arabes ? Ont-elles déjà été ouvertes ?
BM : Les archives arabes sur 1948 sont fermées, même aux chercheurs arabes. Les archives royales jordaniennes hachémites ont probablement beaucoup de documents, car elles ont été formées par les Britanniques et ces documents ont sans doute été conservés. Ailleurs, il n’est pas certain que les Arabes aient conservé ces documents, car ils prouveraient l’incompétence de leurs armées.
Le massacre perpétré dans le village arabe de Deir Yassin par des dissidents de la Haganah est devenu un symbole de la Nakba. Qu’en est-il de ce massacre et a-t-il un caractère paradigmatique pour ce qui a été fait à la population arabe ?
BM : Il n’est pas paradigmatique. Des massacres ont eu lieu dans plusieurs dizaines de villages arabes. L’un d’entre eux était Deir Yassin. Le nombre de personnes tuées à Deir Yassin par des organisations dissidentes de droite était d’environ une centaine. Une partie a été tuée au combat, une autre massacrée après la bataille. Au cours de la guerre de 1948, Israël a conquis environ quatre cents villages arabes : il y a eu des massacres dans environ vingt à vingt-cinq d’entre eux, dans tous les autres, la plupart des habitants ont fui. Mais les Arabes aiment utiliser Deir Yassin comme symbole de la Nakba, car cela montre que les Juifs sont des meurtriers. 700 000 personnes ont fui, non pas parce qu’elles ont été massacrées, mais simplement parce qu’elles avaient peur et que leurs dirigeants ne leur disaient pas quoi faire. Le gouvernement britannique et les États arabes ont affirmé qu’il y avait eu un massacre de 250 personnes à Deir Yassin, mais des chercheurs arabes ont ensuite démontré qu’il s’agissait d’une centaine de personnes. Cependant, il était dans l’intérêt de toutes les parties d’augmenter ce chiffre. Les Britanniques n’appréciaient pas l’Irgoun et le groupe Stern, qui avaient tué des soldats lors de la rébellion contre les Britanniques. Et la Haganah voulait également montrer que ses dissidents étaient des monstres.
Comment expliquez-vous le décalage entre la diffusion de vos recherches objectives sur la création de l’État et le problème des réfugiés palestiniens, qui viennent seulement d’être traduites en allemand et reste inédites en français, et celle des thèses d’Ilan Pappé sur le prétendu nettoyage ethnique, qui sont déjà très populaires ?
BM : C’est sans doute dû à l’atmosphère générale. Il n’y a pas que Ilan Pappé, il y a aussi le livre de Rashid Khalidi sur la guerre contre les Palestiniens, comme il l’a appelé. Je pense qu’ils sont enseignés dans les universités. Les livres de Pappé sont pleins de mensonges et d’affirmations erronées. Et le livre de Rashid Khalidi est, à mon avis, une description déformée de ce qui s’est passé. Je pense que mes livres sont équilibrés dans le sens où je crois comprendre les deux côtés.
Israël assiste-t-il actuellement à la fin définitive d’une solution à deux États ?
BM : Ce serait la seule solution qui offrirait un certain degré de justice aux deux parties. Mais elle ne verra jamais le jour, car le mouvement national palestinien arabe s’est toujours opposé à une solution à deux États. Ils veulent toute la Palestine. Les Juifs ne méritent aucune partie de la Palestine, et même du côté israélien, la plupart des gens rejettent de plus en plus la solution à deux États. Ils craignent qu’un État palestinien ne soit dirigé par le Hamas.
Certains rêvent d’un État binational.
BM : L’État binational existe peut-être dans l’esprit des gens qui discutent dans les cafés parisiens, mais le multiculturalisme ne fonctionne pas ici. Les Arabes ne veulent pas non plus de Juifs ici, et encore moins vivre avec des Juifs qui sont plus riches, mieux éduqués et plus puissants qu’eux. Cette idée n’a été soutenue que par quelques centaines d’intellectuels. Par Martin Buber ou Gershom Scholem. Quelques-uns ont cherché des Arabes prêts à les rejoindre, mais ils n’en ont jamais trouvé.
Quel est le plan pour Gaza ?
BM : Le gouvernement israélien souhaite que les Arabes partent maintenant de leur plein gré. Mais ce ne serait pas un départ volontaire. Ils vivent dans des conditions tellement épouvantables que ce ne serait pas volontaire. Le Hamas s’oppose au départ de ces femmes et de ces hommes. Et personne ne veut d’eux. Ni les Égyptiens, qui auraient pu leur donner une partie du Sinaï, ni les Jordaniens, ni les Libanais, ni personne d’autre. Malheureusement, ils resteront coincés à Gaza. Il faudra des années pour déblayer les décombres, et encore plus longtemps pour tout reconstruire.
Propos recueillis par Tania Martini, pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung [FAZ], le 20 juin 2025.
Les vainqueurs et les vaincus de la guerre israélo-iranienne de 12 jours
John Spencer, 24 juin 2025
« La guerre est donc un acte de force pour contraindre notre ennemi à faire notre volonté. » — Carl von Clausewitz
La guerre n'est pas le chaos. C'est l'application délibérée de la force dans la poursuite d'objectifs politiques. Chaque conflit moderne doit être jugé en fonction de ces objectifs. Dans la guerre de 12 jours entre Israël et l'Iran, trois acteurs majeurs poursuivaient des buts distincts : Israël, l'Iran et les États-Unis. Sur la base de ce qui peut être objectivement et ouvertement évalué, Israël et les États-Unis ont remporté un succès écrasant aux niveaux tactique, opérationnel et stratégique. L'Iran, tout en exécutant des représailles limitées, a subi une défaite décisive. Plus important encore, le monde est maintenant plus sûr, car l'Iran n'est plus aussi proche d'acquérir une arme nucléaire.
Israël : précision, supériorité et clarté d'objectif
Dès le début de l'opération "Lion qui se lève", l'objectif politique d'Israël était clair. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré dès le premier jour qu'Israël n'accepterait plus la menace d'un Iran doté de l'arme nucléaire à court terme. Dans les 72 premières heures, Israël a mené l'une des campagnes de frappes préventives les plus sophistiquées de l'histoire moderne.
Plus de 300 munitions guidées ont été lancées en cinq vagues synchronisées. Israël a frappé des dizaines de cibles iraniennes critiques, notamment des installations nucléaires, des bases aériennes, des lanceurs de missiles, des centres de drones et des complexes de commandement. Cela a été fait alors qu'Israël menait simultanément une opération terrestre majeure à Gaza, dissuadait le Hezbollah et défendait ses propres civils contre des attaques quotidiennes de missiles.
Israël a fait plus que frapper en profondeur. Il a dominé le ciel iranien. L'armée de l'air israélienne a opéré librement au-dessus du territoire iranien. Aucun avion israélien n'a été abattu. Pas un seul pilote n'a été contraint de s'éjecter ou d'être secouru. Les défenses aériennes iraniennes, y compris les systèmes de fabrication russe, n'ont pas réussi à arrêter un seul avion habité. Israël a démontré une supériorité aérienne totale et la liberté opérationnelle de frapper n'importe quelle cible, n'importe où en Iran, sans interférence.
Cette démonstration de puissance a brisé le mythe de l'invulnérabilité de l'Iran. Pendant des années, la République islamique a bâti une perception de force basée sur son programme nucléaire, son arsenal de missiles et son réseau de mandataires. En 12 jours, Israël a démantelé cette illusion. Ses actions ont signalé à la région et au monde que l'Iran peut être frappé, son infrastructure peut être brisée et ses dirigeants peuvent être ciblés sans hésitation.
Décapitation stratégique et perturbation nucléaire
L'opération d'Israël s'est concentrée non seulement sur les infrastructures, mais aussi sur les personnes. Plus de 20 commandants militaires iraniens de haut rang ont été tués, notamment :
Hossein Salami, commandant en chef des Gardiens de la révolution (CGRI)
Mohammad Bagheri, chef d'état-major des forces armées iraniennes
Gholamali Rashid, chef du quartier général de Khatam al-Anbia
Amir Ali Hajizadeh, commandant de la force aérospatiale du CGRI
Saeed Izadi et Mohammad Shahriari, officiers supérieurs de la Force Quds
Le chef des renseignements du CGRI Mohammad Kazemi et son adjoint Hassan Mohaqiq
Parallèlement, au moins 14 scientifiques nucléaires ont été éliminés. Parmi eux figuraient Fereydoun Abbasi-Davani, ancien chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique, et le physicien Mohammad Mehdi Tehranchi. Leurs décès ont porté un coup dévastateur à la capacité de l'Iran en matière d'armes nucléaires.
Les principales installations nucléaires ont été gravement endommagées ou dégradées :
Natanz a subi la destruction de son usine d'enrichissement pilote en surface et des dommages possibles aux centrifugeuses souterraines.
Ispahan, frappée deux fois, a vu ses infrastructures de recherche nucléaire détruites.
Des explosions près de Fordow suggèrent que le site profondément enterré a été gravement endommagé, surtout avec le soutien américain utilisant des munitions anti-bunker.
Des sites administratifs et de production de centrifugeuses basés à Téhéran ont également été touchés.
Les premières évaluations indiquent qu'Israël a détruit jusqu'à 1 000 missiles balistiques au sol. Environ 65 % des lanceurs iraniens ont été neutralisés. Les aérodromes, les dépôts de stockage et les installations radar de l'ouest de l'Iran ont été anéantis.
Les critiques de l'opération ont souligné que le statut exact des stocks d'uranium enrichi de l'Iran reste incertain. Certains rapports suggèrent qu'une partie de l'uranium hautement enrichi pourrait être manquante, et la vérification indépendante de la destruction à Fordow, Natanz et Ispahan est toujours en attente. Cependant, il ne fait aucun doute que le programme nucléaire iranien a été drastiquement retardé. L'ampleur des dommages aux installations d'enrichissement, l'élimination de scientifiques nucléaires clés, la destruction des lignes de production de centrifugeuses et le ciblage des infrastructures de développement de missiles ont porté un coup dont l'Iran ne peut pas facilement se remettre. Un nouveau précédent a été créé : l'Iran ne doit jamais être autorisé à acquérir des armes nucléaires – non pas par des déclarations diplomatiques, non pas par des sanctions non appliquées, et non pas par des accords fragiles, mais par une action décisive si nécessaire. Le consensus d'après-guerre se forme non pas autour de la négociation, mais autour de la détermination.
Effondrement de la stratégie des mandataires
Au-delà de la destruction d'actifs physiques, Israël a atteint un objectif stratégique plus large : le démantèlement du parapluie de mandataires iraniens. Pendant des décennies, les ambitions nucléaires de l'Iran ont servi un objectif politique et militaire : créer un bouclier protecteur sous lequel son réseau terroriste pouvait opérer. Ce réseau comprenait le Hamas, le Hezbollah, les Houthis et les groupes soutenus par les chiites en Irak et en Syrie.
Depuis le 7 octobre, le Hamas a été gravement affaibli, réduit à un gouvernement fantôme et à une force de guérilla avec des capacités militaires limitées ou nulles. Pendant la guerre avec l'Iran, le Hezbollah n'a pas tiré une seule roquette. Les Houthis, qui avaient lancé des dizaines de missiles sur Israël les mois précédents, n'en ont lancé que deux au cours de la campagne de 12 jours. L'ensemble de la stratégie régionale de l'Iran, construite au fil des années, s'est effondré sous la pression. Elle a été désarmée.
Ce n'est pas seulement un succès sur le champ de bataille. C'est une transformation. En seulement 12 jours, Israël a laissé les aspirations nucléaires de l'Iran, son mythe d'invincibilité et son réseau de mandataires terroristes en ruines. Ce que Téhéran a construit pendant des décennies, Israël l'a démantelé avec précision, détermination et une force écrasante.
Iran : un échec stratégique
L'Iran a lancé plus de 500 missiles balistiques et 1 000 drones sur Israël. La grande majorité a été interceptée. Parmi ceux qui ont atteint leurs cibles, moins de dix ont causé des dommages mortels. Vingt-huit Israéliens ont été tués, dont 27 civils et un soldat. Alors que les civils ont été contraints de se réfugier dans des abris et que la vie quotidienne a été perturbée, le système de défense aérienne intégré d'Israël, soutenu par des alliés tels que les États-Unis et la Jordanie, a atteint des taux d'interception entre 80 et 90 %. Les défenses anti-drones ont fonctionné presque parfaitement. Un seul drone a pénétré l'espace aérien israélien et a atteint une ville, ne causant aucune victime.
L'Iran a affirmé avoir frappé des sites stratégiques tels que des bases aériennes et des centres de commandement. En réalité, il a causé des dommages limités aux infrastructures civiles et à quelques cibles symboliques. Sa frappe la plus dévastatrice a touché l'hôpital Soroka, blessant des dizaines de personnes. Son attaque contre l'Institut Weizmann a détruit des années de recherche scientifique et a suscité une condamnation mondiale.
La République islamique n'a pas réussi à détruire d'aérodromes israéliens, n'a pas désactivé la capacité de l'armée israélienne à opérer et n'a pas pu perturber les services essentiels. Son réseau de défense aérienne a été brisé. Plus de 80 batteries sol-air ont été détruites. Ses capacités radar ont été aveuglées. Elle n'a abattu aucun avion israélien. Elle a échoué militairement et a perdu sa crédibilité politique.
Plus important encore, le calendrier nucléaire de l'Iran a été retardé de plusieurs années. Les installations ont été endommagées, le personnel clé éliminé et les stocks potentiellement détruits. Téhéran est maintenant plus loin d'une bombe nucléaire qu'il ne l'a été depuis plus d'une décennie.
Les États-Unis : la puissance avec un objectif
L'administration Trump est entrée dans le conflit avec prudence mais a agi avec clarté. Lorsqu'il est devenu évident que les munitions israéliennes ne pouvaient pas atteindre des sites profondément enfouis comme Fordow, les États-Unis ont apporté la solution. Grâce à l'opération "Marteau de Minuit", les avions américains ont livré la GBU-57 Massive Ordnance Penetrator, endommageant probablement le cœur des installations nucléaires iraniennes les plus fortifiées.
Lorsque l'Iran a riposté, tirant 14 missiles sur des bases américaines, chacun d'eux a été intercepté. Aucun Américain n'a été tué. Aucune escalade n'a suivi. Le message était ferme. L'Amérique agirait si nécessaire, mais ne se laisserait pas provoquer par un excès de zèle.
Plus important encore, les États-Unis ont contribué à obtenir un cessez-le-feu après 12 jours – un cessez-le-feu qui a préservé les acquis israéliens, évité l'escalade régionale et modifié la trajectoire nucléaire de l'Iran. Aucun avion américain n'a été perdu. Aucun soldat n'a été tué. Pourtant, l'objectif d'arrêter un programme nucléaire iranien sans restriction a été atteint.
Ce faisant, l'administration a démontré une doctrine de la force sans occupation. Pas de changement de régime. Pas de présence terrestre à long terme. Pas d'ambiguïté. Des objectifs clairs, des moyens clairs, des méthodes claires. Les cicatrices de la politique étrangère en Irak et en Afghanistan n'ont pas dicté la paralysie. L'Amérique a agi avec force, détermination et résultats.
Le monde : plus sûr qu'avant
La guerre de 12 jours aurait pu devenir une catastrophe régionale. Au lieu de cela, elle a été circonscrite, ciblée et efficace. Le monde est maintenant confronté à un Iran affaibli. Son programme nucléaire est dégradé. Son arsenal de missiles est réduit de moitié. Ses mandataires sont silencieux. Sa crédibilité est brisée.
Clausewitz a écrit que la guerre est l'utilisation de la force pour contraindre un ennemi à faire notre volonté. Israël a contraint l'Iran à s'arrêter. Les États-Unis ont renforcé ce résultat. L'Iran, malgré toutes ses menaces et ses armes, n'a pu imposer sa volonté à personne.
Le véritable vainqueur de cette guerre n'est pas seulement Israël ou les États-Unis. C'est le système international. Un État au seuil nucléaire a été repoussé. Un régime qui a alimenté le terrorisme sur tous les continents a été contrôlé. Et le principe selon lequel la force peut être utilisée moralement et précisément, pour la défense de la paix, a été maintenu.
L'avenir du Moyen-Orient
Andrew Fox, 1er juillet 2025
Partie 1 – Ce que le Hamas, le Hezbollah et l'Iran feront ensuite.
Après des défaites catastrophiques sur le champ de bataille, les ennemis d'Israël chercheront à se regrouper. De l'insurrection du Hamas à Gaza au prestige ébranlé du Hezbollah au Liban et aux ambitions réévaluées de l'Iran, ce premier article analyse leurs prochaines actions probables. C'est le résultat de mois de recherche, jetant les bases pour comprendre ce qui va se passer ensuite au Moyen-Orient.
Introduction
La récente série de victoires tactiques d'Israël a laissé ses adversaires traditionnels sous le choc, de Khan Younès à Beyrouth en passant par Téhéran. Le Hamas à Gaza, le Hezbollah au Liban, les militants insurgés en Cisjordanie et l'Iran lui-même ont tous subi des revers sur le champ de bataille. Pendant ce temps, les Accords d'Abraham prennent de l'ampleur, Donald Trump plaidant activement pour une expansion de la normalisation arabo-israélienne. Cette combinaison de succès militaires et d'efforts diplomatiques remodèle le paysage stratégique du Moyen-Orient. Comment les ennemis d'Israël pourraient-ils réagir ? Cette analyse examine les options militaires, diplomatiques, idéologiques et de guerre par procuration que ces acteurs envisageront, évaluant les réactions potentielles à court terme et les ajustements à long terme. L'objectif est de fournir un aperçu accessible mais approfondi de la façon dont l'« Axe de la Résistance » pourrait s'adapter et quels risques pourraient en découler pour la stabilité régionale.
Le Hamas à Gaza
Le Hamas, durement touché par la campagne israélienne, est depuis longtemps passé de la guerre conventionnelle à une insurrection prolongée. Après des mois de combats, les responsables américains estiment que le Hamas a perdu plus des trois quarts de sa force de combat initiale, peut-être réduite à quelques milliers de combattants, ainsi que peut-être des dizaines de milliers de recrues non entraînées, par rapport à une force d'avant-guerre pouvant atteindre 30 000 à 40 000 hommes. Indépendamment des chiffres, cela laisse le Hamas militairement dégradé mais toujours avec une influence significative. Avec ses tunnels, ses arsenaux de roquettes, ses principaux dirigeants tués et ses postes de commandement en grande partie détruits, le Hamas évite les confrontations. Au lieu de cela, il dépend des embuscades éclair, des engins explosifs improvisés et des tactiques de guérilla pour harceler les forces israéliennes. Les combattants attendent maintenant que les unités israéliennes se déploient, puis frappent depuis l'ombre.
Cela marque un changement significatif par rapport au début de la guerre, où ils s'engageaient plus directement et mettaient même en place des positions défensives préétablies que toute armée conventionnelle reconnaîtrait. Ces tactiques asymétriques pourraient soutenir une insurrection prolongée même après la défaite conventionnelle du Hamas. Les responsables israéliens reconnaissent qu'il n'y a « pas de solution rapide » pour déraciner chaque dernier combattant et tunnel ; l'objectif réaliste a été de démanteler le Hamas en tant qu'autorité gouvernante plutôt que d'éliminer chaque militant. Essentiellement, le Hamas vise une guerre de guérilla prolongée et d'attrition dans les décombres de Gaza.
La guerre de l'information du Hamas
Affaibli militairement, le Hamas mise sur l'idéologie et la propagande pour maintenir sa cause. Il présente la survie elle-même comme une forme de victoire, soulignant que malgré des pertes dévastatrices, le mouvement survit pour combattre un autre jour. Dès le début de la guerre, les combattants du Hamas ont filmé leurs attaques à petite échelle contre les troupes israéliennes et diffusé des vidéos éditées sur Telegram et les médias sociaux afin de projeter une image de défi et de galvaniser le moral des partisans. Le récit de la « résistance » reste central. Les dirigeants du Hamas insistent sur le fait que la lutte contre Israël est en cours, ordonnée par la foi et le nationalisme, quelles que soient les pertes territoriales.
Historiquement, après des revers (par exemple, les suites de la Seconde Intifada dans les années 2000), les factions palestiniennes ont souvent revendiqué des victoires morales ou symboliques pour inspirer les générations futures. Nous en voyons les échos aujourd'hui : le Hamas présentant l'attaque du 7 octobre 2023 comme une preuve de la vulnérabilité israélienne et exhortant les Palestiniens à rester fermes, même si Gaza est en ruines. Le groupe est susceptible d'invoquer des précédents historiques (tels que les retraits israéliens passés sous la pression) pour soutenir que la résistance continue peut finalement porter ses fruits, en jouant sur l'asymétrie de la volonté. Israël peut gagner des batailles, mais le Hamas cherche à gagner la longue guerre d'endurance.
Avec des canaux diplomatiques limités, le Hamas obtiendra également peu de ses patrons et alliés régionaux. Le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) iranien et le Hezbollah libanais ont longtemps fourni des armes et des fonds au Hamas ; suite à la défaite des deux, ces liens sont maintenant effilochés, et le Hamas semble de plus en plus isolé. Nous pourrions voir les dirigeants du Hamas en exil (dans des endroits comme Doha ou Beyrouth) faire pression pour un soutien financier et militaire accru ou collaborer avec d'autres groupes militants. Pourtant, il est difficile de voir d'où cela viendrait pour le moment.
En Cisjordanie, le Hamas maintient des réseaux souterrains et une popularité significative ; il pourrait essayer d'y inciter à la violence par procuration, encourageant les militants alliés à attaquer des cibles israéliennes ou même de l'Autorité palestinienne (AP). Une telle stratégie, cependant, est confrontée à la réalité de la répression sécuritaire israélienne et de l'AP (discutée ci-dessous).
Le plus grand avantage actuel du Hamas est l'absence d'une stratégie politique israélienne claire. Pas plus tard que cette semaine, l'armée israélienne a présenté des options stratégiques au Cabinet. Il est inquiétant qu'un objectif politique final n'ait pas été décidé avant le redéploiement des troupes. Ce fut le défaut majeur de la planification israélienne pour l'opération "Épées de Fer", et l'histoire semble s'être répétée pour l'opération "Chars de Gédéon". Alors qu'au niveau opérationnel, la pression est exercée sur le Hamas en limitant son accès à l'aide et en s'emparant de vastes zones de Gaza, politiquement, leur maintien au pouvoir dans de grandes zones et la présence des otages leur donnent une chance de survie. Beaucoup dépendra de l'accord de cessez-le-feu éventuel.
À court terme, l'objectif politique du Hamas est probablement la survie et le maintien de sa pertinence : éviter la destruction à Gaza, préserver son idéologie, et peut-être revenir à ses racines en tant que mouvement social et politique parmi les Palestiniens si la gouvernance de Gaza n'est plus faisable. À long terme, si l'occasion lui en est donnée, le Hamas cherchera à reconstruire sa force militaire (comme il l'a fait entre les conflits passés), à exploiter son influence en Cisjordanie et éventuellement à développer de nouvelles tactiques comme des drones avancés ou des roquettes à plus longue portée pour compenser les contre-mesures d'Israël contre ses précédentes stratégies de tunnels et de roquettes.
L'impact de la guerre de l'information du Hamas contre Israël et l'Occident sera discuté dans la partie 2.
Hezbollah
Le Hezbollah est sorti du dernier affrontement avec Israël considérablement affaibli tant sur le plan militaire que politique. Plus d'un an de combats (déclenchés lorsque le Hezbollah a ouvert un front nord après l'attaque du Hamas) a entraîné la destruction par Israël d'une grande partie de l'arsenal du Hezbollah et l'élimination de nombre de ses principaux commandants et dirigeants politiques. Les forces israéliennes ont mené une intense campagne de trois mois dans le sud du Liban qui a considérablement diminué les capacités du Hezbollah et a même contraint le groupe à demander un cessez-le-feu.
L'avenir du Moyen-Orient - Partie 2
Les Accords d'Abraham, les risques d'escalade et la crise de réputation d'Israël
Andrew Fox
2 juillet 2025
Les victoires militaires d'Israël pourraient être vaines s'il perd la bataille de la légitimité internationale. Ce deuxième long article d'une série de trois explore comment les erreurs, la désinformation, le contrecoup culturel et le "lawfare" pourraient menacer la position d'Israël, même si les Accords d'Abraham se développent.
L'expansion des Accords d'Abraham
Alors que les adversaires d'Israël se regroupent militairement, une bataille parallèle se déroule sur le front diplomatique – une bataille qui pourrait considérablement modifier leurs calculs stratégiques. Les Accords d'Abraham, initialement signés en 2020, connaissent un nouvel élan. Pour assurer un héritage diplomatique, Donald Trump a activement promu une expansion de ces accords de normalisation. Des rapports suggèrent que Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ont coordonné un accord majeur pour faire suite aux opérations militaires.
Selon un rapport d' Israel Hayom, ils envisagent une fin rapide de la guerre de Gaza, puis une large expansion des Accords d'Abraham pour inclure des acteurs majeurs comme l'Arabie saoudite et même la Syrie. La perspective de la normalisation des relations de la Syrie avec Israël aurait été considérée comme une fantaisie il n'y a pas si longtemps, mais avec Assad parti, une nouvelle direction syrienne pourrait être plus réceptive, surtout avec le soutien américain (et une motivation financière). L'Arabie saoudite, pour sa part, s'était déjà dirigée vers un accord avec Israël avant la guerre (il y avait des indices de progrès en 2023 avant que l'attaque du Hamas ne les perturbe). Trump fait maintenant pression pour relancer ces discussions, probablement en édulcorant l'accord avec des garanties de sécurité et d'autres incitations pour les Saoudiens.
Réactions des adversaires d'Israël
Pour les ennemis d'Israël, cette vague diplomatique est très préoccupante. La normalisation risque d'isoler les mouvements palestiniens et islamistes, affaiblissant le discours selon lequel les États arabes et musulmans s'opposeront toujours à Israël. Le Hamas, le Hezbollah et l'Iran ont tous critiqué les Accords d'Abraham dès le début. Un haut responsable du Fatah a même affirmé que les accords étaient « l'une des raisons » pour lesquelles le Hamas a lancé son attaque massive le 7 octobre ; essentiellement une tentative de faire dérailler le processus de paix en déclenchant la guerre. En effet, les militants suivent un manuel de l'agitateur : lorsque les progrès diplomatiques sont proches, ils intensifient la violence pour les saboter. Cela a été observé dans les années 1990 pendant le processus de paix d'Oslo, lorsque le Hamas et le Jihad islamique ont mené des attentats-suicides pour faire dérailler les accords israélo-OLP. Maintenant, avec l'expansion des Accords d'Abraham, des tentatives de sabordage similaires sont susceptibles de suivre.
Par exemple, si la normalisation saoudo-israélienne semble imminente, l'Iran ou ses mandataires pourraient organiser une attaque ciblant les intérêts saoudiens, peut-être une frappe de missile sur Riyad depuis le Yémen (Houthis) ou le sabotage d'infrastructures pétrolières saoudiennes pour avertir le royaume que le partenariat avec Israël a de graves conséquences. De même, les militants palestiniens ou du Hezbollah pourraient tenter une attaque terroriste spectaculaire en Israël ou contre des cibles juives dans le monde entier, espérant qu'une flambée de violence inciterait de potentiels alliés arabes à retirer leur soutien à Israël.
Les Accords d'Abraham posent un défi idéologique à des groupes comme le Hamas et le Hezbollah. Ces accords marginalisent effectivement la question palestinienne dans la politique régionale, du moins au niveau interétatique. Le camp militant répondra en tentant de maintenir la cause palestinienne au premier plan. Ils invoqueront les sentiments panarabes et panislamiques, arguant que tout musulman qui normalise les relations avec Israël trahit Jérusalem et le peuple palestinien. Nous avons déjà été témoins d'un contrecoup de l'opinion publique – par exemple, de grandes manifestations à Bahreïn, en Jordanie et ailleurs condamnant les actions d'Israël à Gaza et, par extension, les relations de leurs gouvernements avec Israël.
Les gouvernements impliqués dans les Accords d'Abraham (EAU, Bahreïn, Maroc, etc.) ont géré les retombées de la guerre de Gaza sans se retirer des Accords. Pourtant, ils ont dû agir avec prudence : en publiant des condamnations des bombardements israéliens pour apaiser leurs populations tout en maintenant les liens. Des adversaires comme l'Iran et le Hezbollah chercheront à élargir ce fossé entre les régimes et le peuple. Ils pourraient financer secrètement des groupes d'opposition ou employer des religieux sympathisants pour dénoncer la normalisation comme religieusement inacceptable. Le lien émotionnel profond du monde musulman avec la lutte palestinienne reste un facteur qu'ils exploiteront à plusieurs reprises.
Une autre forme de réponse est le développement ou le renforcement d'une contre-alliance. L'Iran a récemment cherché à améliorer ses relations avec des pays comme la Chine, la Russie et la Turquie, présentant une alternative « orientale » ou islamique aux coalitions dirigées par les États-Unis. Avec les Accords d'Abraham rapprochant effectivement Israël de plusieurs États arabes sunnites (et implicitement des États-Unis), l'Iran pourrait intensifier ses efforts par l'intermédiaire de groupes tels que l'« Axe de la Résistance », encourageant tout pays s'opposant à Israël ou à la domination occidentale à coopérer.
Nous pourrions assister à une collaboration stratégique plus ouverte entre l'Iran et des organisations comme les Talibans en Afghanistan ou des réseaux militants au Pakistan pour perturber les intérêts américains et alliés, augmentant ainsi le coût de l'ordre régional négocié par les États-Unis. L'Iran se concentrera également sur le renforcement des liens avec les acteurs arabes « rejetants » restants : notamment les factions pro-iraniennes en Irak, les loyalistes d'Assad (s'il en reste), et peut-être l'Algérie (un pays qui a exprimé son opposition à la normalisation). Ces initiatives visent à montrer que tout le monde ne s'aligne pas avec Israël et qu'un front unifié contre Israël existe toujours.
Du point de vue d'Israël, l'expansion des Accords d'Abraham vise en partie à encercler diplomatiquement l'Iran et ses mandataires tout en construisant une coalition régionale pour la stabilité qui isole les « rejetants ». Si l'Arabie saoudite et d'autres rejoignent, Israël obtient des avantages stratégiques : droits de survol, partage de renseignements et options de base potentielles qui pourraient être utiles lors d'une future confrontation avec l'Iran. Inversement, l'influence de l'Iran diminue lorsque les voisins arabes s'alignent ouvertement avec Israël. Reconnaissant cela, Téhéran considérera la bataille pour l'influence diplomatique comme existentielle en soi. Nous pourrions observer l'Iran offrir des incitations à des pays comme Oman ou le Qatar pour éviter de franchir le pas de la normalisation. (Le Qatar, par exemple, héberge le bureau politique du Hamas ; l'Iran voudra qu'il reste dans le camp anti-israélien, et le rôle de médiation du Qatar à Gaza lui a donné une position particulière.)
À l'extrême, si le plan ambitieux de Trump était réalisé (par exemple, un scénario où un consortium arabe d'après-guerre prend le contrôle de l'administration de Gaza, les dirigeants du Hamas sont exilés, plusieurs États arabes établissent la paix avec Israël, et même une solution nominale à deux États est proposée), cela constituerait un cauchemar stratégique pour le Hamas, le Hezbollah et l'Iran. Cela signifierait que les griefs fondamentaux qu'ils exploitent (le statut de Gaza et de la Cisjordanie) pourraient être traités d'une manière qui les contourne complètement. Leur pertinence s'estomperait si les Palestiniens devaient passer à une nouvelle direction dans le cadre d'un arrangement international. Par conséquent, ils feraient tout leur possible pour saboter un tel plan.
Par exemple, les partisans intransigeants du Hamas pourraient inciter à des troubles à Gaza contre toute force de maintien de la paix internationale ou administrateurs arabes, éventuellement par le biais de cellules terroristes laissées sur place. Le Hezbollah pourrait tenter de faire passer clandestinement des armes restantes aux loyalistes à Gaza ou au Sinaï pour maintenir le conflit en vie. L'Iran pourrait rejeter toute solution diplomatique à la question palestinienne et s'opposer aux paramètres des deux États, cherchant à rallier les factions palestiniennes « rejetantes » à poursuivre la résistance armée (éventuellement sous la direction iranienne). Essentiellement, l'expansion de la paix menace de rendre l'axe du conflit obsolète, incitant ceux qui sont investis dans le conflit à s'efforcer de le rallumer sous une forme ou une autre.
Risques de mauvaise évaluation et d'escalade
Le paysage post-victoire est rempli de nouveaux dangers à côté des opportunités émergentes. Alors qu'Israël célèbre ses succès tactiques et recherche des accords de paix, le déséquilibre de pouvoir inhérent peut favoriser l'excès de confiance et, inversement, conduire au désespoir parmi ses adversaires, provoquant potentiellement des actes imprudents. Plusieurs risques se distinguent.
Points chauds multi-fronts. Même affaiblis, les ennemis d'Israël pourraient coordonner une escalade soudaine sur plusieurs fronts. Par exemple, le Hezbollah (malgré ses pertes) pourrait un jour choisir de lancer une volée limitée de roquettes « pour sauver la face », tandis que les milices soutenues par l'Iran en Syrie ou en Irak enverraient des drones en Israël. Bien que mineures individuellement, ces actions pourraient ensemble inciter Israël à suspecter une attaque plus importante et à riposter avec une force écrasante, ravivant potentiellement une guerre multi-fronts par erreur de jugement. Avec des forces en état d'alerte élevé, un accident à la frontière libanaise ou gazaouie, tel qu'un échange de tirs qui tue des civils, pourrait dégénérer si l'une ou l'autre partie interprète mal les intentions de l'autre.
Terrorisme et réactions excessives. Une seule attaque terroriste pourrait perturber la paix. Si un jihadiste parvient à exécuter un attentat-suicide de masse dans une ville israélienne ou un assassinat très médiatisé, la direction israélienne (encouragée par de récentes victoires et peut-être moins encline à la retenue) pourrait riposter non seulement contre les auteurs immédiats mais contre ce qu'elle perçoit comme l'ensemble du réseau, ce qui pourrait impliquer le bombardement de bureaux du Hamas/Hezbollah à Beyrouth ou de nouveau des frappes sur des actifs du CGRI ouvertement. Une telle riposte pourrait, à son tour, provoquer le Hezbollah ou l'Iran à réagir, initiant ainsi un cycle. Dans une région tendue, de petites étincelles peuvent allumer de grands incendies.
Effondrement de l'Autorité palestinienne. Un risque plus subtil mais significatif est l'effondrement ou l'implosion potentielle de l'AP en Cisjordanie sous le poids combiné du mécontentement public et de la pression israélienne. Si le gouvernement d'Abbas s'effondre, Israël pourrait soudainement se retrouver responsable de la sécurité de toute la Cisjordanie sans partenaire local. Ce scénario pourrait conduire au chaos (milices en guerre) ou à la réoccupation de villes par Israël, ce qui alimenterait une nouvelle intifada. Un vide de pouvoir en Cisjordanie serait une excellente occasion pour le Hamas ou l'Iran d'intervenir, annulant l'une des victoires politiques d'Israël (maintenir la Cisjordanie plus calme pendant la guerre de Gaza). Cela pourrait également faire dérailler tout accord diplomatique émergent, car des pays comme l'Arabie saoudite hésiteraient à normaliser leurs relations au milieu des images de la disparition de l'AP et des troubles en Cisjordanie.
Excès de zèle d'Israël ou de ses alliés. Inversement, Israël et les États-Unis/Trump pourraient aller trop loin diplomatiquement. Si l'expansion des Accords d'Abraham est perçue comme une manœuvre trop flagrante pour saper les aspirations palestiniennes, par exemple, si Israël est perçu comme annexant des parties de la Cisjordanie sous le couvert de nouveaux accords de paix (le plan Trump suggérait une « souveraineté limitée » pour Israël en Judée/Samarie), cela pourrait provoquer des réactions non seulement des militants mais aussi des États arabes modérés. Une rupture des Accords dans de telles circonstances pourrait ramener l'élan vers l'Iran en confirmant leur argument selon lequel seule la résistance donne des résultats. Par conséquent, il existe un risque que, dans l'euphorie de la victoire et de la normalisation, Israël prenne des mesures (comme l'expansion des colonies ou la dégradation du statu quo de la mosquée Al-Aqsa) qui pourraient rallumer le conflit plus large.
Crises humanitaires et de légitimité. Les victoires tactiques d'Israël ont eu un coût humanitaire important, le bilan de la guerre de Gaza en étant un exemple évident. Sans efforts de reconstruction et de secours pour Gaza et le Liban, les souffrances risquent de favoriser le prochain cycle d'extrémisme. Une génération de jeunes n'ayant rien à perdre dans les ruines de Gaza ou l'économie brisée du Liban pourrait être facilement recrutée par des groupes jihadistes, potentiellement encore plus radicaux que le Hamas ou le Hezbollah. Nous avons vu comment l'ISIS a émergé du chaos de l'Irak et de la Syrie d'après-guerre. Une erreur de toutes les parties serait d'ignorer l'aspect de la sécurité humaine : se concentrer uniquement sur les gains militaires et étatiques pendant que les griefs populaires couvent. Cette poudrière pourrait éclater de manière inattendue, se manifestant par de nouvelles organisations terroristes ou une instabilité régionale (flux de réfugiés, etc.).
Les adversaires d'Israël réagiront probablement à la défaite non pas par une humble capitulation, mais par des stratégies adaptables et parfois astucieuses. Les options militaires se déplaceront vers le domaine asymétrique par le biais d'insurrections, de terrorisme et d'attaques secrètes, car les confrontations directes sont hors de question pour l'instant. Sur les plans diplomatique et idéologique, ces acteurs tenteront de saper les nouvelles alliances d'Israël et de maintenir la flamme de la résistance vivante par la propagande et les manœuvres politiques. À court terme, la région pourrait connaître un calme trompeur alors que toutes les parties se rétablissent et poursuivent leurs efforts diplomatiques.
Sous la surface, les préparatifs du prochain round sont en cours. Chaque acteur calcule comment transformer les pertes d'aujourd'hui sur le champ de bataille en avantages stratégiques de demain par d'autres moyens. Cette période délicate contient à la fois la promesse d'un nouveau Moyen-Orient (si la paix peut être consolidée) et le péril d'un conflit enraciné prenant de nouvelles formes.
Le coût de la réputation
Les récentes victoires militaires d'Israël ont eu un coût politique et de réputation élevé. Sur le papier, la guerre des 12 jours de 2025 a été un succès militaire rapide pour Jérusalem. Des sites nucléaires iraniens frappés, des commandants du CGRI éliminés, le tout à un coût immédiat relativement faible pour la société israélienne. Cependant, les retombées psychologiques et diplomatiques de cette approche « maximaliste » ont été moins rassurantes.
La dépendance d'Israël à l'égard de l'intervention américaine pendant la guerre (après avoir initialement insisté sur le fait qu'il pouvait agir seul) a créé l'impression d'un État client entraînant Washington dans le conflit, une perception que même les partisans américains ont notée. L'opinion publique américaine est devenue méfiante : les sondages montrent une augmentation des opinions défavorables envers Israël chez les jeunes Américains. Par exemple, le pourcentage de Républicains de moins de 50 ans ayant des opinions négatives est passé de 35 % en 2019 à 50 % en 2025. À gauche, des politiciens millennials et de la génération Z de plus en plus nombreux soutiennent ouvertement la cause palestinienne ; un contraste frappant avec la position pro-israélienne instinctive de l'establishment vieillissant. Aucune des victoires d'Israël sur le champ de bataille ne peut compenser cette « perte politique générationnelle » de soutien en Occident. En Europe aussi, le sentiment public, en particulier chez les jeunes, s'est orienté vers le scepticisme ou la critique pure et simple des politiques israéliennes, diminuant le capital moral dont Israël jouissait autrefois en tant que démocratie assiégée.
Parallèlement à la guerre cinétique qui a débuté le 7 octobre 2023, Téhéran et Doha ont mené une campagne d'information agressive. L'Iran, souvent en collaboration avec des alliés comme la Russie, a mobilisé des réseaux de robots en ligne et de faux comptes de médias sociaux pour inonder le discours de récits anti-israéliens. Les chercheurs ont observé une augmentation sans précédent de l'activité inauthentique depuis le début du conflit, certaines plateformes constatant que jusqu'à 25 à 33 % des comptes publiant sur la guerre étaient de faux comptes d'entraînement diffusant de la désinformation. Ces opérations d'influence produisent des images troublantes (réelles ou manipulées), des théories du complot et de fausses allégations d'atrocités à un volume destiné à submerger les récits factuels.
Les médias d'État et les organes de propagande iraniens ont vigoureusement promu leurs messages dans plusieurs langues, dans le but de présenter Israël comme un agresseur sans équivoque. Simultanément, l'influence médiatique et financière mondiale du Qatar a amplifié la campagne. Les réseaux financés par l'État de Doha, notamment Al Jazeera, fonctionnent comme des mégaphones pour les messages islamistes et anti-israéliens. Grâce à la couverture d'Al Jazeera, la propagande qatarie exalte le jihad de « résistance » et dénonce Israël, tout en favorisant le sentiment anti-occidental.
Au-delà des chaînes médiatiques, le Qatar et l'Iran utilisent des influenceurs culturels et des institutions sympathisants dans le monde entier. Par exemple, d'importantes donations qataries à des universités et des groupes de réflexion occidentaux ont contribué à ancrer des perspectives pro-palestiniennes et anti-israéliennes dans le discours des élites. L'effet global est une offensive narrative mondiale coordonnée : en semant le scepticisme quant aux actions et intentions d'Israël, Téhéran et Doha cherchent à isoler diplomatiquement Israël et à faire basculer l'opinion publique internationale, en particulier dans le Sud global et parmi les jeunes Occidentaux, de manière décisive contre l'État juif. Ce n'est pas un phénomène nouveau (voir ci-dessous), mais en quelques courtes années, les médias sociaux ont turbocohargé le problème.
La déchéance de l'image d'Israël
Dans la sphère culturelle, des moments qui auraient été impensables il y a une génération se produisent maintenant ouvertement, au détriment d'Israël. Un exemple notable s'est produit au célèbre Festival de Glastonbury en Grande-Bretagne le week-end dernier, où des artistes musicaux populaires ont transformé leurs performances scéniques en manifestations anti-israéliennes. Le trio de rap irlandais Kneecap s'est produit drapé de keffiehs palestiniens devant une foule d'environ 30 000 festivaliers, des centaines d'entre eux agitant des drapeaux palestiniens et scandant en signe de solidarité.
Sur la même scène, le duo punk britannique Bob Vylan a mené le public dans un chœur choquant de « Mort à l'IDF ». Des vidéos de ces scènes, avec d'énormes drapeaux palestiniens flottant au-dessus de jeunes Britanniques en liesse, sont devenues virales dans le monde entier. Le fait qu'une telle rhétorique ait été célébrée (et pas seulement confinée aux marges) dans un festival de musique grand public met en évidence un déclin plus large de l'image d'Israël auprès des jeunes publics occidentaux. Aux yeux de nombreux membres de cette génération émergente, Israël n'est plus perçu comme une démocratie courageuse menacée, mais plutôt comme un Goliath agressif opprimant un peuple plus faible. Ce changement de perception, fortement influencé par l'activisme en ligne et les influenceurs culturels, pose un défi significatif à long terme. Les futurs électeurs et dirigeants occidentaux pourraient se sentir considérablement moins enclins à défendre Israël sur la scène mondiale que leurs parents ou grands-parents.
Pressions légales et diplomatiques croissantes
Aux défis d'Israël s'ajoute une vague croissante de pression juridique et diplomatique internationale ; un exemple de « lawfare » utilisé par des adversaires qui ne peuvent vaincre Israël militairement. Au cours de la dernière année, Israël a fait face à un barrage d'allégations de crimes de guerre et d'enquêtes dans les forums multilatéraux. Plus particulièrement, en 2024, la Cour pénale internationale (CPI) a pris la mesure sans précédent de demander des mandats d'arrêt contre des dirigeants israéliens en fonction, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense de l'époque Yoav Gallant, pour des actions liées à des opérations militaires. Cette décision a suscité l'indignation à Jérusalem et le scepticisme parmi les alliés d'Israël, mais elle a indiqué que la CPI est devenue un champ de bataille où les critiques d'Israël poussent des allégations « d'atrocités ».
Aux Nations Unies, Israël se retrouve de plus en plus sur la défensive. En juillet 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a rendu un avis consultatif déclarant que la présence continue d'Israël dans les territoires palestiniens viole le droit international.1 Peu après, en septembre, une large majorité à l'Assemblée générale des Nations Unies a approuvé une résolution exigeant qu'Israël « mette fin sans délai à sa présence illégale » dans le territoire occupé dans un délai d'un an. Les responsables israéliens ont condamné la résolution comme rien de moins que du « terrorisme diplomatique ». Néanmoins, son adoption (par 124 voix contre 14) a exposé l'isolement d'Israël en dehors de l'Occident.
Les États arabes et musulmans, soutenus par de nombreuses nations africaines, asiatiques et latino-américaines, introduisent désormais régulièrement des résolutions condamnant les actions d'Israël à Gaza et en Cisjordanie et obtiennent le soutien d'une partie importante de la communauté internationale. La Ligue arabe et l'Organisation de la coopération islamique (OCI), par exemple, ont intensifié leur rhétorique, accusant Israël de « crimes systématiques » contre les Palestiniens, certains dirigeants employant le terme de « génocide » pour décrire la campagne d'Israël à Gaza. Un tel langage, autrefois confiné aux ONG militantes, est maintenant entendu à la CIJ, lors de sommets de haut niveau et de sessions de l'ONU par des chefs d'État et de gouvernement.
Même les grandes puissances du bloc BRICS/Sud global se sont jointes à la censure. La Chine a soutenu les appels de l'ONU à un cessez-le-feu et à des négociations. Dans le même temps, l'ambassadeur de Russie auprès de l'ONU a audacieusement affirmé qu'Israël n'a « aucun droit à l'autodéfense » en vertu du droit international en tant que puissance occupante. Ces efforts juridiques et diplomatiques (enquêtes de la CPI, affaire et avis de la CIJ, résolutions de l'ONU, dossiers de crimes de guerre) constituent une stratégie asymétrique coordonnée visant à saper la légitimité d'Israël. Ils enchevêtrent Israël et ses fonctionnaires dans un réseau d'enquêtes et de jugements défavorables, dans le but de dépeindre le pays comme un État voyou aux yeux de l'opinion mondiale.
Un changement de paradigme pour Israël
De Washington à Johannesburg, de Londres à Riyad, les impacts de ces tendances transforment le paysage stratégique d'Israël. En Occident, les gouvernements soutiennent encore largement Israël militairement aujourd'hui, mais ils gouvernent des publics qui sont beaucoup plus divisés sur la question qu'auparavant. Il est important de noter que la prochaine génération de dirigeants politiques occidentaux arrive à maturité dans un environnement de critiques sans précédent envers Israël. Le cœur énergique de la gauche américaine comprend désormais des voix ouvertement pro-palestiniennes, et même au sein de la base de droite, le sentiment pro-israélien inébranlable est « vieux et vieillissant ».
En Europe, les mouvements progressistes montants font du traitement des Palestiniens par Israël un enjeu majeur. Les militants pour le climat et la justice sociale, souvent jeunes, associent la cause palestinienne à leurs programmes plus larges anti-coloniaux et de défense des droits humains. Au-delà de l'Occident, une grande partie du Sud global perçoit le conflit israélo-palestinien à travers une perspective post-coloniale, ayant tendance à sympathiser avec la « résistance » palestinienne et à ressentir ce qu'ils considèrent comme un deux poids deux mesures occidental. Cela a entraîné un moindre soutien diplomatique à Israël et une plus grande volonté d'accepter les récits chinois ou russes présentant Israël (et par extension les États-Unis) comme étant en violation du droit international.
Tout cela constitue une grave menace stratégique à long terme pour Israël. La sécurité du pays a toujours dépendu non seulement de sa force militaire, mais aussi d'un certain degré d'acceptation internationale ; le sentiment que les puissances occidentales « soutiennent Israël » et qu'Israël reste, d'une manière générale, le « bon gars » dans un quartier difficile. Cette perception s'estompe. Si, dans une décennie, les États-Unis ou l'UE sont dirigés par des politiciens qui ont grandi au milieu de campagnes incessantes sur les médias sociaux contre « l'apartheid israélien » et qui font face à des électorats hostiles à Israël, Israël pourrait voir son bouclier diplomatique rempli de trous.
Conclusion
Une victoire militaire au niveau tactique aura peu de sens si Israël devient un paria aux yeux de l'opinion publique. L'Iran et ses alliés le comprennent : en érodant la réputation d'Israël, ils visent à obtenir par la narration ce qu'ils ne peuvent obtenir par la force des armes. Suite à la guerre des sept fronts, qui a débuté le 7 octobre, le régime iranien et ses alliés peuvent légitimement revendiquer la victoire sur ce huitième front non déclaré.
Israël a dominé militairement, mais a été diminué politiquement. Israël a peut-être gagné sur le champ de bataille, mais l'Iran a « gagné » la guerre de la perception sur la scène mondiale. Pour Israël, le défi à venir est de restaurer sa position et de contrer la désinformation et les défis juridiques, de peur de se réveiller et de constater que la supériorité militaire n'offre qu'un maigre réconfort face à l'isolement diplomatique et à une nouvelle génération de dirigeants occidentaux peu disposés à lui apporter un soutien. La troisième partie de ce long article abordera la manière dont Israël peut y parvenir.
Les vastes victoires tactiques d'Israël ont incontestablement modifié l'équilibre des pouvoirs, mais elles n'ont pas résolu le conflit. Au lieu de cela, elles l'ont redirigé vers de nouvelles voies. Comme discuté dans la première partie, le Hamas, le Hezbollah, les militants de Cisjordanie et l'Iran s'engagent tous dans diverses combinaisons d'actions d'arrière-garde, de patience stratégique et de guerre réinventée. L'histoire montre que de tels conflits idéologiques opposant la puissance étatique à une résistance non étatique ou quasi étatique sont rarement résolus de manière concluante sur le champ de bataille. Au lieu de cela, ils évoluent et persistent jusqu'à ce que les griefs politiques sous-jacents soient traités.
Ce qui rend ce moment particulièrement complexe, c'est que la domination militaire d'Israël s'est accompagnée d'un déclin notable de sa réputation internationale. Les campagnes de désinformation, le contrecoup culturel, les différends juridiques et l'aliénation des jeunes générations occidentales représentent une menace stratégique à long terme qu'aucun Dôme de fer ne peut contrer. La prochaine génération de dirigeants occidentaux pourrait émerger non pas d'un consensus pro-israélien, mais de protestations étudiantes et d'indignation en ligne. Si Israël devient diplomatiquement isolé alors même qu'il assure sa suprématie sur le champ de bataille, il risque de remporter des victoires tactiques mais de perdre la guerre narrative mondiale.
Le moment présent, avec ses triomphes et ses réalignements, pourrait agir comme un tournant : soit la région évolue vers un réalignement durable qui intègre Israël et marginalise les « rejetants » violents, soit ces « rejetants » trouvent des moyens de s'adapter et de refaire surface, plongeant la région dans un nouveau conflit armé. Le plus grand risque est l'excès de zèle : qu'Israël, enhardi par la victoire, sous-estime les coûts politiques de ses actions et ne parvienne pas à contrer les offensives idéologiques et juridiques menées contre lui.
Une paix durable dépend non seulement de la dissuasion, mais aussi de la légitimité. Cela pourrait signifier l'inclusion des droits politiques palestiniens dans le cadre des Accords d'Abraham afin que la normalisation ne soit pas considérée comme une trahison. Cela pourrait également impliquer de retrouver la supériorité morale par la transparence, la responsabilité et la retenue. Pour l'Iran et ses mandataires, la voie à suivre peut encore inclure la résistance, mais aussi une réévaluation à mesure que leurs anciennes stratégies deviennent moins efficaces. Pour Israël, le prochain chapitre dépendra de sa capacité à combiner la puissance dure avec la puissance douce, en remportant des victoires sur le champ de bataille tout en maintenant sa crédibilité mondiale.
La perception façonne la politique. Israël pourrait constater que dans un monde régi par les algorithmes, l'imagerie et la manipulation du droit international, la réputation est un champ de bataille aussi vital que le champ de bataille lui-même.
La dernière partie de cette trilogie, qui paraîtra demain, propose la solution à tous les problèmes identifiés jusqu'à présent : une feuille de route stratégique pour une paix à long terme. S'appuyant sur des mois de recherche, elle décrit ce qu'Israël, les États-Unis et les États du Golfe peuvent faire pour vaincre les menaces asymétriques, restaurer la légitimité, soutenir la gouvernance palestinienne et assurer un Moyen-Orient stable.