Le rejet par les Arabes contemporains des premiers sionistes (les journalistes, les publicistes, les politiciens, les religieux et les intellectuels – autrement dit les influenceurs de la foule arabe) de ces Juifs qui n’avaient strictement aucune mauvaise intention à l’égard de qui que ce fût (ils n’étaient fondamentalement ni racistes ni xénophobes), a été d’emblée « viscéral » comme le rappelle Bensoussan et le savent pertinemment tous les historiens sérieux du sionisme.
Le rejet arabe fut spontanément justifié par une argumentation antisémite et paranoïaque, reposant sur l’idée que les Juifs ne venaient que dans l’intention d’exterminer les Arabes et de les exproprier – conformément aux arguments les plus traditionnels de la rhétorique antisémite occidentale :
« Le rejet arabe du sionisme est en effet viscéral, comme un mouvement premier qui ne supporte pas discussion. La presse arabe d'Égypte fait très vite valoir que les réalisations du sionisme n'ont aucune légitimité sans l'accord des indigènes. En février 1913, Al-Ahram note que l'accord turc ne suffira pas à ancrer les sionistes dans le paysage local. Au demeurant, ce refus précoce témoigne aussi d'une certaine lucidité. Le 29 avril 1898, l'ambassadeur ottoman à Washington, Ali Ferruh Bey, câblait ainsi à Istambul que le but des sionistes ‘‘est d'établir un gouvernement indépendant en Palestine’’. Aux élections d'avril 1914 pour le Parlement ottoman, deux élus arabes de Jérusalem font campagne sur un programme spécifiquement antisioniste. Les milieux sionistes sont conscients de la force de ce refus et du fait que dès avant 1914 (et à quelques exceptions près) la presse arabe leur est massivement hostile. ‘‘Les sionistes veulent nous enterrer vivants, écrit le 16 avril 1912 le journal arabe de Haïfa Al-Karmil, et nous faire disparaître de notre pays. Nous allons certainement être vaincus si nous nous obstinons à maintenir l'état actuel des choses même nous si sommes numériquement supérieurs.’’ En avril 1913, Robert Ghazi, l'un des sionistes d'Égypte les plus actifs, écrit dans Al-Misr: ‘‘En revenant à notre ancienne patrie, les Arabes en profiteront autant que nous. Ils savent bien que nous porterons des nouvelles sources de bonheur pour l'avenir, que nous relèverons le pays de la ruine, car l'expérience des trente dernières années est la meilleure preuve de ce que le pays peut retirer de notre collaboration’’. Ces lignes trouvent peu d'écho.»1
L’un des premiers théoriciens antisionistes et antisémites radicaux est Muhammad Rashid Rida (1865-1935), fondateur en 1898 en Égypte du journal Al-Manâr (« le Phare »), qui compte parmi les premiers militants du nationalisme islamiste panarabe en faveur du Califat. Il aura une influence profonde sur Hassan El-Banna (1906-1949), fondateur des Frères Musulmans en 1928, de qui se réclame encore le Hamas aujourd’hui avec son « industrie de la mort » (sina’at al-mawt) :
« La mort est un art », écrivait El-Banna. « Le Coran a ordonné d’aimer la mort plus que la vie. La victoire ne peut venir que si l’on maîtrise l’art de la mort. Celui qui meurt sans s’être battu ni avoir été résolu à se battre est mort d’une mort de jahiliyya <appliqué de façon péjorative aux sociétés préislamiques>. »
Georges Bensoussan :
« La dimension antisémite est présente dès les premiers pas du refus arabe. En 1897, Rachid Rida (1865-1935) mettait en garde ‘‘les musulmans et les Arabes’’ qu'à défaut d'éliminer ce danger ils tomberont dans ‘‘un état d'abjection pire que celui des Juifs’’. Très tôt aussi ce refus du sionisme tend à s'islamiser alors que ce sont, paradoxalement, des Arabes chrétiens qui ont initié ce combat. »
En effet, voici quelques passages de Rida sur les Juifs (source Wikipédia en anglais2), tirés de son pamphlet de 1929 La Révolution palestinienne (Thawrat Filistin) :
« Les Juifs sont un peuple "égoïste et chauvin, rusé et perfide" qui cherche à exploiter et à exterminer les autres peuples. Il affirme que les Juifs ont comploté en Europe pour saper le pouvoir de l'Église catholique romaine et ont introduit la franc-maçonnerie, par laquelle ils ont manipulé les Bolcheviks et les Jeunes Turcs contre les empires russe et ottoman respectivement. Rida pensait que le capitalisme avait été créé par les Juifs comme un outil pour "asservir le monde entier grâce à leur argent".
Rida considérait que l'entreprise sioniste faisait partie d'un plan impérial britannique plus large visant à consolider leur domination régionale et à provoquer la fitna (conflit civil) parmi les musulmans. Rida identifiait les Juifs comme étant historiquement le peuple le plus fanatique de l'asabiyya (solidarité de groupe), qui refusait de s'assimiler aux autres cultures. Il a énuméré un certain nombre de crimes historiques des Israélites, tels que leurs offenses contre les prophètes de l'Islam, leurs dérives vers le shirk (polythéisme) et le riba (usure). Selon Rida, Dieu a puni les Juifs pour ces "crimes", leur enlevant leur royaume et les soumettant à des siècles de persécution chrétienne. Rida affirme que les Juifs ont acquis une immense influence dans les pays capitalistes grâce à leur contrôle du système bancaire occidental, et qu'ils ont ainsi réussi à retourner les États chrétiens contre les musulmans. Selon Rida, les Juifs cherchent à obtenir la résurrection de leur État religieux en Palestine afin d'ouvrir la voie à l'arrivée de leur Messie tant attendu, qui est en fait l'Antéchrist et qui sera tué par le véritable Messie, Jésus, conformément aux prophéties islamiques concernant la seconde venue de Jésus. Impatients de leur attente interminable, des libres penseurs sceptiques à l'égard de l'eschatologie religieuse avaient fondé le mouvement sioniste. Puisque les Juifs n'étaient compétents que dans le secteur financier, mais pas dans les affaires militaires, selon Rida, les sionistes étaient soutenus par la puissance militaire des Britanniques.
En 1933, Rida a émis une fatwa interdisant à tous les musulmans de vendre des terres aux Juifs en Palestine, jugeant que de telles ventes représentaient la "trahison de l'Islam" et la complicité avec le sionisme. En réponse à une question d'un Arabe vivant à Berlin sous le nouveau régime nazi, Rida a affirmé que le peuple germanique avait commencé à se venger des Juifs pour leur rôle dans l'affaiblissement de l'Allemagne pendant la Première Guerre mondiale.
/…/ Il affirmait que les élites juives dirigeaient les francs-maçons et les instigateurs de gauche pour fomenter des révolutions contre les gouvernements religieux à travers le monde afin de répandre l'athéisme et le communisme. Dans le cas de l'Empire ottoman, il identifiait les Jeunes Turcs comme les cinquièmes colonnes maçonniques, qui conspiraient avec les sionistes pour construire un royaume juif de Sion en Palestine. Rida considérait que les élites juives contrôlaient économiquement les nations occidentales par leur domination du système bancaire capitaliste et croyait qu'elles s'efforçaient de générer une guerre civilisationnelle entre les mondes islamique et occidental. Quatre mois avant sa mort, Rida a rendu un hommage retentissant à son disciple, le Grand Mufti Hajji Amin al-Husayni ; il l'a loué comme un brillant leader moudjahid pan-islamique des Palestiniens, et a fait l'éloge de ses efforts habiles. Dans l'un de ses derniers textes publiés en 1935, Rida appelait tous les musulmans à s'unir d'urgence et à concentrer toutes leurs ressources pour vaincre les Juifs. ‘‘Si nous voulons sauver notre patrie et notre umma de la domination juive au moyen du pouvoir moral de la religion, nous devrons emprunter la voie tracée par nos ancêtres [salafina], qui ont vaincu les Juifs à la première époque [de l'Islam] et les ont expulsés de la péninsule arabique.’’ »
Issues de ce type de propagande directement inspirée des Protocoles de Sages de Sion, on reconnaît a posteriori les bribes laïcisées – c’est-à-dire désislamisées et désantisémitisées – du discours antisioniste occidental contemporain.
Voici comment Dominique Vidal, parmi tant d’autres, présente le lieu-commun du sionisme comme simple pion dans la politique impériale britannique de colonisation de la Palestine, dans une intervention de 2017:
https://youtu.be/ZrpaVJCiwvE?t=110
Tout ramener à des arguments simplistes de manipulation diplomatique en vue d’objectifs purement géopolitiques (lesquels existaient, évidemment, mais n’expliquent pas tout) en faveur des sionistes – arguments simplificateurs car les Britanniques n’étaient pas naïfs ni envoutés par le sionisme au point d’ignorer l’évidence, à savoir que la démographie et la force parlaient géopolitiquement en faveur des Arabes, non des Juifs –, permet surtout aux idéologues antisionistes d’éviter la question de l’antisémitisme musulman. Et surtout de ne pas aborder la décision géopolitique majeure des Britanniques dans les années 20, profondément défavorable aux sionistes, que sera la création de l’Émirat hachémite de Transjordanie en avril 1921.
Henry Laurens rappelle ainsi en conclusion du premier volume de La question de Palestine3:
« Balfour, Churchill, Herbert Samuel ou Lloyd George, en 1922, ne croient plus à la possibilité d’un État juif avant plusieurs générations, pour des raisons démographiques, et peuvent donc espérer qu’une expérience de vie commune pourra créer les modus vivendi nécessaires. Ils sont pourtant conscients de l’existence de forces de déstabilisation qu’ils mettent facilement sur le compte des éléments juifs révolutionnaires. »
Georges Bensoussan pour sa part rappelle de son coté que les sionistes firent de leur mieux pour contrecarrer l’influence de l’antisémitisme dans le refus arabe:
« Les mouvements sionistes proches de la Palestine tentent d'endiguer cette hostilité naissante. Ils reprennent à leur compte la litanie des arguments sur la ‘‘bonne entente judéo-arabe et le ‘‘profit’’ que les Arabes tireraient de la mise en valeur du pays par les Juifs, sujets loyaux à l'Empire ottoman et qui ne font au demeurant que ‘‘revenir dans leur ancienne patrie’’.
En mars 1913, le bureau palestinien du Comité d'action sioniste tente d'influencer la presse arabe, en Palestine comme en Egypte, au besoin en payant pour obtenir l'insertion d'un article: Berlin est prié de rechercher auprès ‘‘des orientalistes juifs tous les travaux publiés sur l'histoire commune des Juifs et des Arabes et sur les influences mutuelles exercées par ces deux cultures’’.»4
La meilleure preuve du rapport inédit dans l’humanité des Juifs à leur terre (« L’espoir bimillénaire d’être un peuple libre sur notre terre artzenou » dit l’Ha-Tikvah), rapport qui ne fut jamais de pure possession mais au contraire d’appropriation, est la célébrissime formule des premiers sionistes qui leur a été si souvent reprochée par les antisionistes comme une préfiguration du « nettoyage ethnique » que constitue à leurs yeux la création de l’État d’Israël, alors qu’elle témoigne au contraire de la candide pureté de cœur des Juifs – aux antipodes de l’attitude impérialiste et colonialiste usuellement expropriatrice et exploitrice : « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre. »
La formule, attribuée à Israël Zangwill, écrivain anglais (1864-1926), fut inspirée de celle d’Alexander Keith (1792-1880), membre de l’Église d’Écosse qui écrivit en 1843 après un voyage en Palestine, que les Juifs étaient « un peuple sans pays ; et même [exilés] leur propre pays qui, comme il sera ensuite démontré, est, dans une large mesure, un pays sans peuple »5.
Les premiers sionistes du XIXème siècle pensaient sincèrement la Palestine ottomane désertique et abandonnée – comme en avait d’ailleurs témoigné avant eux une bonne partie des voyageurs occidentaux en Terre sainte, de Chateaubriand à Mark Twain en passant par Lamartine, Laurence Oliphant, Flaubert, William Turner, Alexander Keith qui y voyagea en 1839 et en 1844, et des centaines d’autres au XIXème siècle, principalement anglosaxons…
La désolation de la Palestine est un lieu-commun de l’époque (3000 récits de voyage pour le seul XIXème siècle) – d’une part parce que les Arabes sont socio-culturellement invisibles aux yeux des Européens (raison pour laquelle Herzl n’en parle pas dans L’État juif, non par racisme blanc ni dédain juif comme le vocifèrent les antisionistes, mais par une crédule cécité à distance pour tout ce qui n’est pas soi que partage son siècle), et aussi parce que l’arrière-fond mental protestant considère que cette région du monde est en quelque sorte maudite, châtiée par Dieu depuis la Crucifixion de Jésus et la destruction du second Temple de Jérusalem.
En 1867, Twain écrit dans son récit de voyage Innocents Abroad :
« La Palestine est assise dans le sac et les cendres. Elle est sous l'emprise d'une malédiction qui a flétri ses champs et entravé ses énergies. La Palestine est désolée et mal aimée – la Palestine n'est plus de ce monde du travail. Elle est sacrée pour la poésie et la tradition, c'est le pays des rêves. /…/ Il n'y avait pratiquement pas d'arbre ou d'arbuste. Même l'olivier et le cactus, ces amis rapides d'une terre sans valeur, avaient presque déserté le pays /…/ Il y a là une désolation que même l'imagination ne peut gratifier du faste de la vie et de l'action. Nous avons atteint Tabor en toute sécurité. Nous n'avons jamais vu un être humain sur tout le trajet /…/ Il n'y a pas un seul village sur toute son étendue – pas sur trente miles dans l'une ou l'autre direction. /…/ On peut faire 16 km dans les environs et ne pas voir dix êtres humains. »
Or, paradoxalement, l’un des premiers théoriciens sionistes, et l’un des plus nobles et glorieux, Ahad Ha’am (Asher Hirsch Ginsberg de son vrai nom, juif ukrainien né en 1856 et mort à Tel Aviv en 1927), lorsqu’il visita la Palestine en 1891, n’a pas succombé à cette illusion d’une terre sans peuple :
« De l'étranger, nous avons l'habitude de croire qu'Eretz Israël est actuellement presque totalement désolée, un désert inculte, et que quiconque souhaite y acheter des terres peut venir et acheter tout ce qu'il veut. Mais en vérité, il n'en est rien. Dans tout le pays, il est difficile de trouver une terre cultivable qui ne soit pas déjà ; il n'y a que des champs sablonneux ou des collines pierreuses, qui conviennent au mieux pour planter des arbres ou des vignes et, même après un travail et des dépenses considérables pour les défricher et les préparer, seules ces terres restent non cultivées. ... Beaucoup de nos concitoyens qui sont venus acheter des terres sont en Eretz Israël depuis des mois, et en ont parcouru toute la longueur et la largeur, sans trouver ce qu'ils cherchent. »
«De nombreux immigrants de la première Aliyah », explique Benny Morris, « croyaient arriver sur une terre désolée et inhabitée; ils furent donc surpris d'y trouver tant d'Arabes. Après tout, ils retournaient en Terre promise; personne n'avait jamais mentionné la présence d'autres habitants. Un des personnages d'une œuvre de Yosef Haïm Brenner, le grand romancier de la seconde Aliyah, parlait en ces termes: ‘‘Avant de me rendre en Palestine, j'imaginais ce pays, je ne sais pourquoi, comme une seule ville peuplée de Juifs non religieux, entourée de champs à perte de vue, vides, vides, vides, n'attendant que nous et les autres pour venir les cultiver.’’
« Une terre sans peuple pour un peuple sans terre » est ainsi la croyance la moins colonialiste qui soit.
Le partage de la Palestine était et reste parfaitement compatible avec la conception juive d’Eretz Israël, raison pour laquelle l’idée du partage fut toujours acceptée par les Juifs et obstinément refusée par les Arabes, qui avaient de cette terre, eux, une conception essentialiste liée au sol, au sang et à la foi.
Pour les Arabes contemporains des premiers sionistes, inversement à « Sion » ou « Israël », le nom « Palestine » ne représentait rien, ou plus exactement et de leur propre aveu, ne les représentait en rien. C’est ce que rappelle un article paru en ligne le 4 septembre 2022 sur le site The Times of Israel6, écrit par Steven E. Zipperstein, intitulé : « Du temps où les Palestiniens insistaient sur l’inexistence de la Palestine » :
« Immédiatement après la Première Guerre mondiale et pendant la majeure partie de la période du mandat britannique (1922-1948), les avocats et témoins palestiniens ont soutenu à plusieurs reprises devant divers tribunaux que la "Palestine" n'existait pas. Ils ont affirmé que la région connue sous le nom familier de "Palestine" faisait en fait partie de la Syrie, ou plus précisément de la "Syrie du Sud". Après la guerre d'indépendance israélienne, les Palestiniens ont changé de cap et se sont engagés à être loyaux envers la Jordanie.
Il semble impensable qu'un avocat ou un juriste palestinien soutienne aujourd'hui que la Palestine fait partie de la Syrie ou de la Jordanie, mais ce sont les positions juridiques palestiniennes prédominantes depuis la fin de la Première Guerre mondiale jusqu'à la guerre des Six Jours. »
Puis Zipperstein cite une pétition rédigée en novembre 1918 par un groupe arabe palestinien auprès du Commissariat français en Palestine qui exprimait :
« Nous considérons que la Palestine fait partie de la Syrie arabe car elle n'en a jamais été séparée à aucun moment. Nous sommes liés à elle par des liens nationaux, religieux, linguistiques, naturels, économiques et géographiques [...]. Compte tenu de ce qui précède, nous souhaitons que notre Syrie du Sud ou Palestine distincte ne soit pas séparée du gouvernement syrien arabe indépendant. »
« En 1925 », poursuit Zipperstein, « Jamal Effendi-Husseini <cousin du grand Mufti de Jérusalem>, un Arabe palestinien éminent, a contesté une décision du Haut Commissaire britannique Sir Herbert Samuel autorisant les timbres postaux locaux à porter une inscription en hébreu identifiant le pays comme "Palestine E.I." (Palestine Eretz Israël).
L'avocat d'Husseini, Auni Bey Abdul Hadi, a fait valoir au tribunal que "Palestine" n'était "pas un mot arabe". Auni Bey a insisté sur le fait que le nom correct du pays était "Syrie du Sud" < «Suria El Jenobia » (sud de la Syrie), qui est le surnom arabe de Palestine.>. La "Palestine", a-t-il affirmé, n'avait pas d'existence distincte et faisait en fait partie de la Syrie. »7
Il faut donc bien comprendre que le mot « antisionisme » recouvre deux réalités différentes :
L’antisionisme tardif, contemporain, tiers-mondialiste, qui voit dans les Arabes de pures victimes de l’arrogance raciste, colonialiste, impérialiste d’Israël, argumentaire construit de toute pièce dans les années 60 – toute la gauche internationale était plutôt pro-sioniste jusque là – par la propagande soviétique en faveur de l’OLP, organisation qui en était la pure marionnette idéologique et politique…
Mais il y a surtout, d’abord, chronologiquement – et cause première de cet antisionisme secondaire idéologique-là, qui va prendre dans les années 60 le parti djihadiste des attentats terroristes –, autrement dit dès la première moitié du XXème siècle, officiellement à partir de la Déclaration Balfour en 1917, le refus raciste arabo-musulman que des Juifs viennent souiller de leur impure présence insoumise à l’islam la « Syrie du sud », nom arabe de la « Palestine », terre musulmane par décret divin. C’est ce qu’exprimait parmi tant d’autres, en arabe, Muhammed Husayn Sha’ban, en 1963, dans un pamphlet intitulé Ben Gourion, le menteur (Le Caire, 1963):
« La terre de Palestine vomira totalement tout ce qui est sur elle, à l'exception des fils de la Palestine, et personne n'y restera à l'exception des Arabes, de façon qu'ils puissent reconstruire la gloire de leur patrie et la nettoyer des traces des Juifs, et il ne restera plus qu’une terre des Arabes pour les Arabes. »8
Tout cela n’est en rien ni nouveau ni surprenant ni choquant ni outrancier pour un musulman s’exprimant en arabe à destination d’un public arabe.
En 2013, la télévision de l’Autorité palestinienne9 diffusait un poème chanté par deux petites filles, dont je vous cite ici la traduction de quelques rimes :
« Oh, vous qui avez assassiné les pieux prophètes d'Allah <= les Juifs dans la tradition islamique>). /Oh, vous qui avez été élevés en versant le sang. /Vous avez été condamnés à l'humiliation et aux privations <= statut de dhimmi>. /Ô fils de Sion, ô la plus mauvaise des créations. /Oh, singes barbares, porcs misérables. /Jérusalem n'est pas votre repaire / Jérusalem s'oppose à vos foules/ Jérusalem vomit de son sein votre impureté/ Car Jérusalem, vous qui êtes impurs, est pieuse, immaculée/ Et Jérusalem, vous qui êtes des ordures, est propre et pure. »
Encore en 2015, Mahmoud Abbas reprenait l’antienne de la présence souillante des Juifs à propos de la mosquée Al Aqsah, bâtie une première fois à la fin du VIIème siècle sur les ruines du Temple de Jérusalem en un geste architectural et théologico-politique d’appropriation et de substitution.
FIN DE LA SÉANCE
Bonnes fêtes de Noël et du Nouvel an…
Georges Bensoussan, Juifs en pays arabes, p.478-479
Op. cit. p.1054
Ibid.
In Le Dhimmi de Bat Ye’or, p.91, cité par Bensoussan dans Juifs en pays arabes, p.954