Aux sources massacrantes du contentieux (De l'antisionisme 3) (3)
43ème séance, 30 juillet 2022
Dans la littérature midrachique et talmudique, pas de Musulmans non plus, bien sûr, puisqu’ils n’existent pas encore (on verra en revanche que Mahomet a pu entendre, narrés en arabe, des récits midrachiques et talmudiques), mais des Arabes qui apparaissent sporadiquement, et toujours en bonne part.
En araméen, le sens premier du verbe ‘arav est aussi « mélanger », « confondre », « insérer », « se substituer à », « se porter garant pour », par exemple dans le Midrach Cantique Rabba, avoteinou ‘orevim otanou, « nos ancêtres se portent garants pour nous (concernant l’observance de la Loi) »…
C’est aussi et surtout le mot à l’origine du fameux erouv, qui signifie « mêler », « combiner » et qui désigne « la création symbolique d’une communauté de résidence ou d’une continuité d’action » (Dictionnaire de Littérature midrachique et talmudique de Marcus Jastrow) afin d’autoriser certaines actions le chabbath et les jours de fête, qui seraient sinon prohibées. Le ‘erouv est en quelque sorte le symétrique du sacrifice, qui dissocie et distingue le sacré du profane et le pur de l’impur : il conjoint ce qui est séparé, permettant d’éviter de la sorte, par une liaison purement symbolique, la profanation et la désacralisation.
D’autre part, toujours selon le Jastrow, avec la racine ‘arèv se mêle , à l’idée de mélange celle d’assaisonnement, en passant par les idées de « douceur » et de « plaisir »:
‘arèv : « être bien mélangé, assaisonné ; être doux, agréable » ; ‘eirev : « adoucir, réjouir, humour ».
Et puis, après de multiples déclinaisons de ces premières acceptions-là, le mot ‘arav désigne, toujours en araméen, un « fils d’Ismaël ». Il surgit d’abord dans le Targoum Yeroushalmi (ou Pseudo-Jonathan, targoum proprement palestinien du début de l’ère chrétienne) pour traduire le verbe qadar désignant le fait de s’obscurcir, de s’assombrir (toujours en lien avec le crépuscule), étant par ailleurs en Genèse 25, 13 le nom propre d’un des fils d’Ishmaël, « Kédar » : « Voici les noms des fils d’Ishma’él, en leurs noms, pour leurs enfantements : l’aîné d’Ishma’él : Nebayot, Qédar, Adbeél, Mibsâm »
Le personnage de l’Arabe est présent dès le Talmud de Jérusalem, sous le terme aravi1 comme (parmi bien d’autres occurrences) en TY Berakhot 2b, où « un Arabe » annonce l’identité et la venue du Messie à « un Juif » :
« Comme l'a dit Rebbi Yudan, fils de Rebbi Aivu, il arriva à un Juif qui labourait dans la vallée d'Arbel que son bœuf mugissait. Un Arabe passait par là et entendit le mugissement du bœuf. Il lui dit : Juif, Juif, dételle ton bœuf, dételle ta charrue car le Temple a été détruit. Le bœuf mugit une seconde fois. Il lui dit : Juif, Juif, attelle ton bœuf, fixe ta charrue car le roi Messie est né. Il lui dit : Comment s'appelle-t-il ? Menahem. Il lui dit : Quel est le nom de son père ? Hịzqiah. Il lui dit : Où est-il ? Il lui dit : Au palais du roi à Bethléem en Judée. »
Première constatation, il n’y a aucune « essentialisation » dans la pensée juive (les familiers du Talmud le savent), le mot « arabe » désigne une certaine appartenance ethnique d’un non-juif, païen, auquel non seulement ne s’attache aucun préjugé négatif a priori, mais qui peut même manifester une expertise non seulement culturelle – il connaît le désert mieux que quiconque –, mais même, comme ici ou ailleurs dans le Talmud de Babylone, une disposition spirituelle à laquelle les Juifs ne sont jamais insensibles. Mais, bien entendu, cette disposition ne saurait entrer en concurrence avec l’enseignement que l’on peut tirer de la Torah elle-même. Ce que rappelle Rabbi Aboun en conclusion de cette aggadah du Talmud de Jérusalem :
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