Après cette pause théorique heideggérienne, voyons-en maintenant quelques applications pratiques, où s’illustre la soumission absolue à la barbarie du tout-calcul de ces esclaves qui à leur insu participent à l’organisation de la Führung universelle.
Il suffit de lire ce rapport de trois sénateurs datant du 3 juin dernier, intitulé : « Rapport d’information fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective sur les crises sanitaires et outils numériques : répondre avec efficacité pour retrouver nos libertés »
Le rapport est assez long (184 pages) mais par chance ces gens en fournissent un condensé à la fin, où ils préconisent (je condense leur condensé) un violent coup d’accélérateur totalitaire en direction de la grande muraille de Chine 2.0.
Là, nous sommes dans la parlotte à l’état pur, confinant d’ailleurs parfois au bredouillis, tant ces gens (enfin, leurs sous-fifres) écrivent mal dès qu’ils quittent leurs éléments de langage, comme on dit.
La parlotte n’est donc pas nécessairement, ou pas seulement, du creux bla-bla. Elle dit quelque chose d’elle-même (à la fois pas son style et par sa logique), c’est-à-dire de ce qui la sous-tend – la schlague 2.0. Le raisonnement est peu ou prou le suivant : À cause de la pandémie, les Français ont été privés de leurs libertés, l’Économie a été détruite, sans que la pandémie eût été vaincue pour autant. Vous vous doutez que ces gens, n’ayant jamais de leur existence lu une ligne de Heidegger, Debord, Artaud, Foucault ni Agamben, il ne leur viendrait pas à l’idée de se demander quel était, du coup, la signification de cette kyrielle de décisions autoritaires et dévastatrices qui ont si lamentablement échoué sur tous les plans. Salivant à la schlague comme d’autres sont libidinalement épris de menottes et de camisoles de latex, la seule conséquence qu’ils en tirent, lorgnant vers la Chine, c’est qu’« à l’heure de la révolution numérique, du big data et de l’IA en santé », on n’est pas encore allé assez loin dans l’efficacité intrusive :
« Il n’y a pas de mystère : plus les outils numériques sont intrusifs, plus ils sont efficaces. »
Je ne reviens pas sur ce que nous venons de voir avec Heidegger, du complexe de direction des Führers qui est en réalité rapport de soumission du petit personnel du tout-calcul. Les « outils numériques » ont ainsi leur propres outils au service de leur propre propagande et communication, et il ne faut donc pas se tromper sur qui dirige qui. Les laquais de la Technique, ce sont ces sénateurs.
« Le rapport propose de recourir bien plus fortement aux outils numériques, en assumant si nécessaire des mesures plus intrusives, mais aussi plus ciblées et limitées dans le temps. Avec, pour contrepartie, une liberté retrouvée dans le ‘‘monde réel’’. »
On est dans la novlangue la plus pure : moins de liberté = plus de liberté. Et quant au « monde réel » de ces gens qui ne voient pas tant de différences entre la Chine et la Corée du Sud (ils ont d’ailleurs raison ! mais à leur insu et pour de tout autres raisons que les leurs), on se demande bien qui hormis eux-mêmes pourrait souhaiter y « retourner ».
Ces gens sont taraudés par le Gestell, de sorte que tout leur langage – jusqu’en ses moindres jeux de mots et métaphores – en est issu et y retourne, tel un chien à ses vomissures ou, si vous préférez, comme ce « retour du même dans une rotation continue » qui selon Heidegger1 constitue « l’essence de la technique moderne ».
Il n’y a donc pas pour eux de différence de nature entre la méthode chinoise et celle de Taïwan, ou d’ailleurs entre celle de Pékin et celle de l’Australie et de la Nouvelle Zélande, où l’on est obligé de se prendre en selfie régulièrement pour prouver – le gps du téléphone en attestant – qu’on est bien demeuré cloîtré chez soi !
Ils dressent ainsi la cauchemardesque liste des mesures asiatiques (délation incluse) dont ils souhaiteraient que la France s’inspirât :
Puis les sénateurs, noyant le poison sous l’appellation générique de « modèle asiatique » semblent convenir que le modèle chinois n’est pas exactement démocratico-compatible :
« Le modèle asiatique n’est, certes, pas transposable tel quel à la France ni aux pays occidentaux – encore qu’il faille se garder de toute caricature en la matière. »
De quoi parlent-ils ? De « caricaturer » la Chine, qui ne serait pas si totalitaire que cela ? Ou de « caricaturer » la France qui, par tradition (milliers de lettres anonymes dénonçant des Juifs durant l’Occupation) ne serait pas si incompatible avec la schlague 2.0 que cela ?
Le « retard » de la France sur l’Asie, continuent les sénateurs, a deux raisons, l’une technique, l’autre idéologique, les deux raisons, on va vite s’en apercevoir, fusionnant en une seule, l’irrationalité technologique (le refus entêté de la schlague 2.0, ce qu’ils appellent des contradictions (« La France entre impréparation et contradictions ») :
« La France a fait beaucoup de chemin depuis un an et demi… » Sur quelle voie ? Celle de l’acceptation du flicage cybernétique (comme si on lui avait laissé le choix !), depuis « l’époque où ce qui allait devenir notre pass sanitaire était vu comme une atteinte inacceptable à notre vie privée ». Pourtant, « grâce à un mélange de volonté politique, de gouvernance forte (sic ! ces gens ne voient évidemment jamais la poutre idéologique dans leur œil) et de financements à la hauteur », le retard a été en partie compensé, mais pas assez en comparaison de la Chine qui n’est pas entravée par tous nos « tabous » en matière de liberté et de respect de la vie privée. La solution, serait un Crisis Data Hub, un « entrepôt de données médicales, agrégées et pseudonymisées, qui offre un guichet unique pour la recherche médicale ». Hélas, c’était sans compter sur la CNIL retardataire, « nettement plus conservatrice que ses homologues européennes en matière de croisements de fichiers par ‘‘l’Etat’’ (au sens large) ».
Ce « sens large », c’est d’une part l’idée que tout un chacun puisse, à la chinoise, devenir une extension surveillante et punissante de l’État, et d’autre part que toutes les données cybernétiques soient collectées, échangées, croisées, interconnectées au sein d’un Health Data Hub.
Ce qui est intéressant, c’est à nouveau le langage de ces dégénérés.
Je vous lis et je fais mes commentaires au vol :
L’argument principal de ces vilains rapporteurs est d’une part que la schlague ne durerait qu’un temps, le temps de guérir :
« À l’avenir nous devrons recourir bien plus fortement aux outils numériques, en assumant si nécessaire des mesures plus intrusives, mais aussi plus ciblées et limitées dans le temps. »
Quelles mesures ? les voici :
Autrement dit la Schlague 2.0 (les « caméras de détection de port du masque », les « caméras thermiques », les « drones pour contrôler le respect du confinement » ) a les moyens de s’auto-censurer et de se retirer quand tout ira mieux. Or le fond du discours de ces crapules, c’est précisément – avec un ton comminatoire qui ne trompe pas tant il est typique de la rhétorique de la Schlague – , que rien n’ira jamais mieux.
L’argumentation de la Schlague, en résumé, est d’ordre circulaire et purement technique : c’est qu’il vaut toujours mieux la Schlague 2.0 que la Schlague 1.0
Inutile de préciser que le « libres et égaux » des esclaves de la Technique est une méchante farce.
Quant à ce fabuleux Crisis Data Hub dont les sénateurs nous tracent le schéma, on s’aperçoit qu’il aurait une utilité bien plus ample que celle simplement d’aider à la guérison rapide des humains mis sous sa coupe. Il servirait ainsi aussi bien à gérer toute crise sanitaire qu’à « appuyer les décisions politiques » et à servir la « recherche scientifique », dans laquelle ces gens n’ont pas honte d’inclure, se mordant la queue de leur propre argument pseudo-démocratique (un peu de Schlague 2.0 pour beaucoup de liberté retrouvée) les « sciences humaines et sociales »…
Rendre l’humanité malade à volonté et la guérir aussi à volonté (avec quelques inévitables couacs au passage), c’est ce qui constitue le meilleur bac à sable cartésien en vue d’une fabrication de l’homme par l’homme.
Le seul prix à payer, si j’ose dire (hormis l’abandon définitif de toute pensée de ce que signifie être en bonne santé, être malade, vivre et mourir et corollairement être libre (mais à cet abandon les Numéricains sont depuis longtemps résignés), c’est en bredouillis communicationnel qu’il s’évalue.
(À suivre)
Qu’appelle-t-on penser ? p.84