Il y a une expérience intéressante à faire, qui consiste à écouter, sur France-Culture, les enregistrements sonores datant des années 50, où sont interrogés des quidams ayant dans leur enfance assisté à l’enterrement de Victor Hugo, à l’Exposition Universelle où à l’inauguration de la première rame de métro parisien. La sûreté de leur syntaxe, la variété de leur vocabulaire, la fluidité de l’élocution de ces gens ordinaires est surprenante.
Voici Madame Barral qui évoque en 1956 l’inauguration du métro le 19 juillet 19001 :
VIDÉO SOUVENIRS MÉTRO PARISIEN 1900
Et voici en comparaison, pour rire jaune, un petit extrait d’une vidéo de propagande, où l’on entend d’abord Agnès Pannier-Runacher, la Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances, bredouiller son argumentaire sur le mode lamentable contemporain. Vous constaterez que ces gens sortis de l’ENA, Sciences Po, HEC ou je ne sais où ne savent pas s’exprimer correctement en français, s’ils l’ont jamais su.
La bonne volonté des communicants qui leur font répéter mille fois la même gestuelle de marionnette lénifiante n’irait tout de même pas jusqu’à leur faire prendre des cours de grammaire, de syntaxe ou d’élocution qu’eux-mêmes ne maîtrisent de toute façon pas, tant la possibilité même en a été depuis longtemps annihilée, à force de s’emmêler les neurones entre le globish débagoulé à longueur d’emails et les smileys et autres cartoonesques icônes dont ils saupoudrent leurs SMS.
Dernière remarque, notez les enthousiastes slogans néo-nazis inscrits sur les murs de cette manifestation à la gloire de l’Entreprise : « Conquérir c’est grandir ». Ne manque que « Le travail rend libre ! » pour être tout à fait au diapason. Au diapason de quoi ? De ce que toute personne lucide qui a passé ne serait-ce qu’une journée dans quelque entreprise que ce soit a immédiatement remarqué : la parenté d’ambiance de l’immonde organisation entrepreneuriale avec celle du camp ce travail (là encore, lisez La Jungle de Sinclair, tout y est).
Je distingue le bredouillis, dont on vient d’avoir un aperçu significatif, et ce que j’ai appelé en conclusion de la dernière séance la parlotte, dont on va examiner maintenant plus attentivement les sources historiques et idéologiques au XXème siècle, avec l’exemple des « conseils en gestion de la crise » auprès du gouvernement Macron.
Revenons maintenant à nos Macron, et à là où j’en étais à la fin de la dernière séance.
Il faut s’arrêter une instant sur cette agence McKinsey qui « conseille » tant d’entreprises et de gouvernements à travers le monde.
Vidéo McKinsey (reportage France 2, mars 2021)
Ayez à l’esprit que c’est bien ce même crapuleux bredouillis néolibéral qui est en ce moment aux manettes de la « stratégie » vaccinale, comme ils l’intitulent.
On apprendra beaucoup sur notre pitoyable aujourd’hui, où « la gestion mondialisée a des airs de dictature sans dictateur » (Pierre Legendre, je vous renvoie aux citations de L’empire du Management que j’ai faites lors de la séance inaugurale du Séminaire le 12 avril 2020), si l’on veut bien prendre en considération les origines du cabinet McKinsey. À la source de cette idéologie purement managériale, il y a un présupposé badiousien, à savoir que la vérité gît dans le mathème (le même mathème qui, sans intervention humaine, infuse algorithmiquement la finance mondialisée) :
Si leurs pitoyables clips d’autopromotion ne vous en avaient pas convaincu, sachez que ces matheux de la zombification mondialisée, des « imbéciles qui dressent des graphiques » comme les qualifiait judicieusement Debord, sont profondément incompétents non seulement en médecine (sans compter que la médecine n’est pas une « science », on va le voir en détail), ainsi que le le montre la « gestion » de la crise par le gouvernement français aujourd’hui, mais depuis toujours dans tous les domaines qui ne relèvent pas du dégraissage d’entreprise, de l’optimisation fiscale et de la corruption – sanitaire entre autres – à tous les étages.
Bien entendu, c’est aussi à ces incompétentes crapules qu’on doit la destruction méthodique en cours de l’hôpital public en France, après qu’ils ont fait leurs piteuses preuves en ruinant définitivement la santé publique en Grande- Bretagne.
Notez dans l’extrait qui suit la notice fournie dans le cadre du « redressement de l’APHM » (Marseille, ce sont ces gens qui donnent des leçons à Raoult ) par McKinsey, aux formules à la fois grotesques et creuses – sans même parler de leur syntaxe de débiles profonds et de leur vocabulaire régurgité d’une réclame pour fast-food (« culture projet », « culture médico-éco », « culture collectif » ; « une approche bottom-up et portefeuille projets d’ampleur »), suintant une âpreté au gain cyniquement despotique (« diagnostic à 360° Mc Kinsey » pour « amplifier et pérenniser les gains » : on reconnait dans cette métaphore visuelle du « 360° » l’idéologie théorisée par Foucault du panopticon ; « structure de pilotage focalisée sur la rigueur de l’instruction et de la mise en œuvre »), formules de garde-chiourmes du Capital qui ne sont en l’occurrence que les paravents d’un dégraissage sauvage de la santé publique française.
Enfin dernier extrait, montrant d’une part les collusions entre McKinsey, l’univers de la Finance, celui de la Politique, et last but not least Macron en personne, qui est tout simplement le parangon du « McKinsey boy », et qui leur doit logiquement son élection….
« Macron » n’existe pas. Il n’est que le prête-nom d’une idéologie et d’un système auxquels il doit tout ce qu’il est et à qui il le rend bien. Comme en témoigne puissamment cette photo trouvée au hasard sur internet : celui qui dirige la France n’est pas Macron, c’est l’autre, le fauteuil vide…
Ce fauteuil vide est le meilleur symbole de l’absence de complot pour diriger le monde, comme le croient certains paranoïaques qui n’ont rien appris aux leçons de l’Histoire.
Je vais à ce propos citer quelques lignes d’un dialogue dans Chaos brûlant entre Sac d’Os et Luc Ifer, concernant ce qu’on peut appeler la gouvernance du « fauteuil vide » :
Dès le 3 février 1933, Hitler avait fait devant son état–major cette réflexion pertinente et si prophétique : « Tout le monde sait que la démocratie dans l’armée est exclue. Dans l’économie aussi, elle est nocive. » Prenons ce slogan confondant de crétinerie : « Travailler plus pour gagner plus. » Il fallait une masse dépourvue de logique, de raisonnement et de pensée pour porter au pouvoir une équation si manifestement mensongère. Un ouvrier ou une femme de ménage travaille bien plus en 8 heures quotidiennes qu’un PDG en 16 heures. Qui pourrait appeler « travailler » la digestion ubuesque du temps de ces grands assistés, accompagnés en permanence par une horde de sous-fifres pour leur éviter le moindre geste, déplacement, discours, décision, lecture, courrier, prise de notes, coup de fil, prise de rendez-vous, ouverture de porte, préparation de repas, etc. Or ce sont ces handicapés mentaux surpayés qui gouvernent. Partout désormais les Financiers remplacent les digérants dirigeants politiques, imposant leur diktat arithmétique : « Travailler plus pour gagner moins », tout en dégradant au passage les notes des coûteux cancres.
– Si je suis votre pensée, puisque le Crime ne fait pas acception de personne, la Domination n’a pas de raison non plus de s’attarder aux noms propres ?
– C’est l’évidence, Sac ! Les Présidents sont depuis longtemps les gadgets des Financiers. L’élection d’Obama dans un pays aussi foncièrement raciste que les États-Unis en est le meilleur signe. Ils se sont offerts un élégant Noir parce que c’est plus classy qu’un porc du KKK, c’est tout. De même qu’il est plus classy de déguster du vin français, de porter des mocassins italiens ou d’envoyer leurs enfants en vacances culturelles en Europe. Aujourd’hui c’est un Noir, demain ce sera une Femme, après-demain un Inverti, un Obèse repenti, un Acteur…
– Déjà fait !
– …un Alcoolique…
– Déjà fait !
– …voire un personnage de cartoon, ça ne changerait rien. En coulisses s’agitent les Polonius de la Politique, « Paulson », « Geithner », « Bernanke», etc. Leurs noms à eux aussi importent peu aux yeux du Crime moderne, pas davantage que celui d’Al Capone au yeux de l’ancien. Vous connaissez la déclaration de Capone à la fin de sa vie ? I am a spook, born of a million minds, « je suis un fantôme, né d'un million d'esprits ». Et comme Capone n’a eu qu’un temps, d’autres viendront qui succéderont vite à Al Paulson et Bernanke the Kid… Même chose en France, où l’on s’agite en cherchant qui pourrait remplacer l’impénitent pénis de DSK : Hollande mitterandisé ? Le Pen perruquée ? Mélenchon phrygien ? Sarkozy bis repetita ? Quels candides ! Pourrait aussi bien trôner à l’Élysée un stylo bic, un fauteuil à bascule, un poulpe, un œuf pourri, un balais brosse, une dame pipi… Que n’importe qui, voire n’importe quoi, emporte les présidentielles de 2012, cela ne changera strictement rien au cours du monde ni au sort des gogos sapiens. Un président ne préside que sa propre ânerie : la fonction crée l’onagre. Regardez Berlusconi ! ce clownesque connard patron de médias qui a souillé l’Italie de sa vulgarité cocasse pendant des décennies. Il s’est fait virer comme un malpropre en un claquement de doigt le jour où les Financiers ont décidé qu’il n’était plus l’homme lige de leur catastrocratie triomphante. Ce système substantiellement corrompu qui a mis la planète à genoux a décidé que les bouffonneries libidinales du micro-maffieux suffisaient. Et ils l’ont congédié comme le vil valet qu’il était. Berlusconi, ce bon débile, était encore trop volubile. Son blabla a blasé le Nombre.
– Je ne vous comprends pas.
– Lorsque je vous dis que les noms propres n’importent plus, ce n’est pas en tant qu’il sont propres – ils ne le sont pas –, mais en tant qu’ils sont des noms, donc un genre particulier de paroles chargées de temporalité génitrice. Il me semblait pourtant vous avoir déjà suffisamment expliqué que c’était la Parole que le Désastre a dans son collimateur. L’étiolement de la Parole est donc la conséquence directe de la domination du Nombre. C’est ainsi que l’herméneutique de la crise se réduit au b.a.-ba le plus régressif : AAA + ou –… C’est ainsi que la Finance de l’Ombre se passe avantageusement de toute intervention humaine, recourant à des logiciels ultra-complexes logés dans des ordinateurs ultra-rapides, qui assurent aujourd’hui 80% des transactions financières calculées à la microseconde.
Voici maintenant le dernier extrait consacré à McKinsey : notez bien le désastreux bredouillis syntaxique de l’email à la fin de la vidéo, qui en dit long à nouveau sur les aptitudes intellectuelles de ces imposteurs :
« Je signe dès que Julien me donne le go. Julien ok pour toi ? Cédric c’est ok pour toi ? Te manques-tu des éléments ? Si vous avez bien challengé le pricing demandé, Ok pour moi. »
Les collusions entre McKinsey et la Finance ne sont évidemment en rien anecdotiques, elle sont au contraire au centre précis de leur imposture :
On a constaté les origines « algébriques » du fondateur McKinsey. Une autre étape importante de la constitution de cette firme infâme est, en 1933, le Banking Act ou Glass-Steagall Act qui, pour tenter de sortir de la Grande Dépression qui succéda au krach boursier de 1929, interdit toute collusion et décloisonnement entre, d’une part, l’investment banking, soit les banques d’affaires et les sociétés de bourse, et d’autre part le commercial banking, les banques de prêt et de dépôt.
Cette loi reposant sur le principe de la séparation des pouvoirs qui, dans le monde anglo-saxon avait ses origines au XVIème siècle dans l’interprétation calviniste de l’Ancien Testament, est alors âprement combattue par les Républicains mais finalement votée par le Congrès et signée par Roosevelt, lequel entendait ainsi tracer une imperméabilité hygiénique entre le système bancaire classique et la spéculation effrénée – responsable de la crise de 1929 et celle-ci, par une série d’effets dominos, de tous les malheurs qui conduiront l’Europe à la Seconde guerre mondiale.
Le Banking Act, qui prétend lier les mains des spéculateurs, sera très vite contourné et détourné de mille manières par les banksters, et finalement abrogé en 1999 par Clinton afin d’autoriser la fusion constitutive de Citigroup, lançant le coup d’envoi de cette nouvelle dérégulation financière qui ravage tout depuis 30 ans.
Je connais un peu cette histoire pour l’avoir évoquée dans Chaos brûlant, où j’écris :
« La déréglementation a pris des proportions incontrôlables depuis que Clinton, en 1999, a précisément abrogé le Banking Act de 1933 qui forçait les banques à demeurer dans les bornes d’une judicieuse prudence… C’est à partir de là que les traders ont pris le pouvoir, faisant rémunérer par des sommes surréalistes leurs vols planés de vautours du Chiffre au-dessus des champs de ruine du chômage, de l’esclavage et de la pollution. Leur blague préférée consiste à taxer de ‘‘socialistes’’ les banquiers à l’ancienne dont les salaires sont évalués par équipes… ».
Or, ce qu’on apprend dans une étude de Marie-Laure Djelic, datant de 2004, consacrée à McKinsey et parue dans les Actes de la recherche en science sociales2, c’est que le Banking Act a précisément offert l’opportunité à un avocat nommé Marvin Bower, rejoignant McKinsey, d’inventer le métier de « conseil en stratégie », puisque les banquiers d’affaires n’étaient plus autorisés à intervenir et à diriger les dirigeants d’entreprise qu’ils finançaient.
Je vous cite Marie-Laure Djelic :
Le fantasme, qui était déjà celui du fondateur mathématicien, est de transformer la stratégie managériale en science exacte. Or non seulement cette « stratégie » est en réalité purement idéologique, mais en outre cette idéologie est tout à fait comparable à celle du nazisme (y compris pour son idolâtrie du chiffre et du calcul : les tatouages des déportés gérés par des machines IBM au sein même des camps d’extermination préfiguraient les QR Code contemporains), comme l’a démontré Johann Chapoutot (évoqué l’année dernière dans le Séminaire) .
Marie-Laure Djelic le dit clairement:
Ce qui est intéressant, c’est de constater qu’un exalté du chiffre et du management comme Marvin Bower, auteur de l’impayable ouvrage The Will to Lead. Running a Business With a Network of Leaders (Harvard Business School Press, 1997) finira dans ses vieux jours (interview du 9 novembre 2000 ; il est né en 1903), par poser une question cruciale à laquelle évidemment il n’apportera pas de réponse :
Pour comprendre, donc, la « résistible ascension » d’Emmanuel M., il suffit de connaître les racines de cette idéologie managériale, telle que les explicite Marie-Laure Djelic, dont les ressorts sont le culte de la Jeunesse, du Business, du Secret (souvenez-vous en, je vais y revenir) et de l’Uniformisation arithmétique (les graphiques et les statistiques des imbéciles, dont je vais aussi bientôt reparler à propos du Pr Raoult et des tests médicaux randomisés).
Cette idéologie et ces méthodes vont à partir des années 60 s’exporter avec succès en Europe, les cadres de McKinsey envahissant toutes les sphères unifiées et fusionnées du pouvoir et de l’entreprise d’abord en Grande-Bretagne, tissant une vaste franc-maçonnerie de cooptation et d’entraide. Les Francs-Maçons en France, qui font saliver tous les paranoïaques antisémites du pays, ne sont que cela : un carnet d’adresses et de numéros de téléphone politico-économiques :
Et ce sont ces gens-là qui, par leurs avisés conseils, vont participer au vandalisme du paysage social, économique et sanitaire anglais, dont témoignent par exemple les films de Ken Loach.
Là encore, l’« américanisation » idéologique est de règle. Elle consiste principalement en une universalisation pseudo-scientifique et algébrique (les graphiques des imbéciles) s’extirpant de toute spécificité et réalité locale, exactement comme les trois baltringues Bezos Musk et Branson s’extraient fantasmatiquement à coups de milliards de dollars et d’algorithmes de la planète terre en proie aux flammes du réchauffement climatique
Cette abstraction managériale qui universalise la gestion de tout le social et désormais de tout le vivant, et qui répand aujourd’hui ses directives autoritaristes concernant la pandémie partout dans le monde, est qualifiée dès les années 1960 par les idéologues de McKinsey de one size fits all (« la même taille pour tous »). Elle est profondément liée au fantasme génocidaire de l’universel abstrait paulinien qui fait tant saliver le gaga du mathème Badiou (j’en ai suffisamment parlé l’année dernière, je n’y reviens pas). Je continue de vous citer l’article de Marie-Laure Djelic, qui éclaire les origines récentes de la gestion génocidaire du globe.
À l’issue du XXème siècle, cette méthode de gestion à l’américaine (17 cabinets de conseils américains sur les 20 plus grands à la fin des années 1990) se répand dans tous les domaines, y compris celui de la santé : L’Administration, l’État, l’Éducation, les Arts et, donc, la Santé.
Une parenthèse sur L’INSEAD3, l’Institut Européen d’Administration des Affaires, fondé entre autres en 1957 par un personnage non dénué d’intérêt idéologique, Georges Frédéric Doriot4, né en 1899 et mort en 1987, père du « capital-risque » (soit l’investissement dans les start-up), diplômé en 1921 d’un MBA à Harvard, créateur en 1930 à Paris du « Centre de Perfectionnement aux Affaires », puis représentant aux États-Unis et au Canada de la Banque Worms (laquelle collabora activement avec Vichy, et dont le directeur de 1930 à 1944 fut le collaborateur notoire Gabriel Le Roy-Ladurie), Doriot aurait dirigé un réseau de société offshore actives dans le blanchiment. À cause de ses liens étroits avec Ladurie, le FBI le suspecta d’être un agent allemand et de Vichy. Cela ne l’empêche pas d’obtenir la nationalité américaine en 1940.
Une idéologie, quelle qu’elle soit, a besoin pour triompher de s’inculquer et de se transmettre. Raison pour laquelle les business schools deviennent le modèle universel de toutes les grandes écoles françaises. Revenons au présent, je cite Marie-Laure Djelic :
Le processus est donc limpide qui va de la mathématisation prédictive à la globalisation du management en passant par la fusion des univers de la politique et du business, avec cooptations incestueuses des recrues de toutes les business schools européennes dûment harvardisés.
Le propre d’une idéologie hors-sol et corrompue vouée à la plus maniaque abstraction universalisante comme celle de McKinsey (qui conseille aujourd’hui non seulement Big Pharmacron sur la crise sanitaire, mais encore 147 des 200 plus grandes entreprises mondiales) ne consiste évidemment pas en une quelconque adéquation avec la réalité, mais, conformément à l’essence du Spectacle théorisé par Debord, à remodeler la réalité au fur et à mesure qu’elle en parlotte. Les deux phénomènes ont évidemment partie liée : le bredouillis mental et langagier des conseils en stratégie; la destruction du monde sous les fourches caudines du mathème universel – y compris le monde de l’Économie classique – non off-shore et non algorithmisé –, celui qui s’imaginait avoir encore quelques rapports avec la « richesse des nations » selon Adam Smith.
Or, comme la réalité est rétive au mathème, l’histoire des interventions de McKinsey partout sur le globe est émaillée de colossales faillites et de scandales tous plus abjects les uns que les autres5 : depuis la faillite d’Enron en 2001 jusqu’à la Crise sanitaire de 2021, en passant par la corruption des fonctionnaires en Inde par Boeing en 2008 ; la crise financière de 2008 (McKinsey a encouragé les banques à titriser les crédits immobiliers) ; la dénonciation d’opposants au régime en place en Arabie Saoudite en 2015 ; la ruine en bourse de Valeant Pharmaceutical en 2016 ; la collaboration ouverte avec le gouvernement chinois révélée en 2018 ; le blanchiment d’argent pour la famille Gupta en Afrique du Sud en 2018 ; le scandale des opioïdes de Purdue Pharma en 2020 :
« La société de conseil est notamment accusée d'avoir fait des recommandations marketing à ces fabricants d'opioïdes afin d'accroitre leurs ventes. D'après les documents judiciaires produits par les plaignants, le cabinet de conseil a recommandé au groupe pharmaceutique de se concentrer sur les dosages élevés considérés comme les plus lucratifs. On estime que la consommation de telles substances sur ordonnance a quadruplé entre 1999 et 2018, période visée par ces procédures, et pendant laquelle près de 500 000 Américains sont morts des suites d'un usage abusif d'opioïdes. » (Source Wikipédia)
Et puisque ces néo-nazis du management disposent – sous l’aspect trompeur du seul « conseil » – de toutes les manettes en main, il ne reste à leur président-paravent qu’un bredouillis de bredouillis, où la Verneinung domine tout le discours politique. Ainsi lorsqu’il dit, par exemple, en mai 2020, à propos de la gestion de la culture exsangue par temps de confinement et de crise sanitaire : « Il ne faut pas parler d’un plan, parce que ce n’est pas quelque chose qui vient du haut », il dévoile sous la forme de la dénégation son propre pot aux roses.
(À suivre)