Et maintenant je vais, en conclusion de cette séance, me pencher sur le cas de l’antipode d’un Simons ou d’un Villani, Grigori Perelman, qui a 55 ans aujourd’hui et vit à Saint-Pétersbourg avec sa mère. J’avais évoqué son cas lors de la première séance sur Badiou, et depuis lors je me suis penché sur sa biographie. Je l’ai choisi aujourd’hui parce qu’il incarne une forme de sainteté, cette sainteté même qui l’a amené à rompre avec le monde corrompu et jaloux des mathématiciens. Il est probable que c’est également cette singulière sainteté qui l’a amené à rompre avec l’univers même des mathématiques.
Par ailleurs, les trois hommes (Simons, Villani et Perelman) ne sont pas entièrement étrangers les uns aux autres comme on va s’en apercevoir – le monde des mathématiciens de haut niveau étant un très étroit cénacle.
Ainsi Villani, dont Perelman est le héros, a écrit une note biographique de deux pages sur Perelman, qu’on trouve en ligne sur le site personnel de Villani1.
Grigori Perelman est donc un homme admirable, un génie de très haut vol en mathématiques, véritable créateur et découvreur (ce que n’est pas vraiment Villani, qui est principalement un vulgarisateur et un opportuniste politique), fuyant l’espèce humaine comme la peste à l’instar de Grothendieck ou de Wittgenstein…
Que Perelman, né en 1966, soit juif, et qu’il ait vécu dans la Russie soviétique antisémite n’est évidemment pas étranger à son style si singulier. Les Juifs de la famille de Perelman étaient qualifiés dans les années 70 et 80 de refuzniks, c’est-à-dire de Juifs à qui il était refusé d’émigrer en Israël et qui vivaient une existence de seconde zone à cause de l’antisémitisme d’État. Masha Gessen, sa biographe, insiste sur l’antisémitisme administratif en URSS du temps de la jeunesse de Perelman, expliquant comment les carrières des meilleurs esprits était entravées et ruinées parce qu’ils étaient juifs :
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