J’en reviens maintenant aux investigations de McCulloch qui précèdent sa fatale rencontre avec Pitts.
Avoir élaboré sa branlante théorie du psychon ne suffit pas à McCulloch qui rêve de lui trouver un fondement biologique, conformément à son désir d’en finir avec le « vieux schisme » entre la matière et l’esprit.
C’est à Yale où il retourne à partir de 1930 que McCulloch rencontre le physiologiste hollandais Johannes Gregorius Dusser de Barenne (1885-1940). Dusser de Barenne est depuis longtemps passionné lui aussi par la «“material source” of psychological functions in the brain» explique Tara Abraham. Cette marotte relevait de la doctrine de l’associationnisme, selon laquelle l’esprit est composée d’idées connectées entre elles conformément au principe de la causalité – ce qu’avait expliqué Hume dès 1758 dans son Enquête sur l’entendement humain – mais auquel s’ajoutait, bien avant McCulloch, la certitude qu’une base physiologique et biologique dans le cerveau correspondait à ce vaste réseau psychologique d’interconnexion de sensations, d’émotions et de pensées, et que ce réseau était, d’une manière ou d’une autre, anatomiquement repérable et localisable.»
Pour cela, Dusser de Barenne, assisté de McCulloch, usera des méthodes expérimentales les plus farfelues à sa disposition – la lésion, l’extirpation, la simulation électrique, et surtout la strychnine – pour traquer – certes sur des chats et des macaques – la source de toute pensée à même le cortex.
« C'est sous l'influence de Dusser de Barenne que McCulloch a pu poursuivre sa quête d'une "épistémologie expérimentale" – l'idée que la physiologie peut expliquer la connaissance. »1
McCulloch et Dusser de Barenne travaillèrent et publièrent ensemble durant six ans. Leur ultime publication, parue en 1940, l’année de la mort de Dusser, traitait des sensations dans le cortex d’un chimpanzé.
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