Tout au parachèvement du manuscrit de mon prochain pamphlet (Chaque jour j’attache moins de prix à l’Intelligence Artificielle,Considérations sur la calamité cybernétique), je découvre des auteurs qui m’étaient inconnus (Royer, Bodinat, Jean-Baptiste Fressoz, Marc Atteia, Judy L. Klein et alii…), précieux complices dont la belle eau sera apportée au moulin de ma réflexion par le truchement de certaines citations choisies et appropriées.
Pour commencer, il est fortement conseillé de vous procurer d’urgence l’essai crucial de 2017 de Jean-Marc Royer, que j’achève aujourd’hui de lire: Le monde comme projet Manhattan, Des laboratoires du nucléaire à la guerre généralisée au vivant.
Il s’agit d’une réflexion fournie et cohérente qui permet d’envisager généalogiquement la co-responsabilité de l’esprit scientifique (la rationalité calculatrice ) et du capitalisme dans l’élaboration des deux traumatismes génocidaires majeurs symptomatiques du XXe siècle (Auschwitz & Hiroshima), eux-mêmes rendus possibles par la destruction du rapport traditionnel à la mort inauguré avec la grande boucherie de 14-18, modernisée en 39-45, destructions préparées en amont par la promotion américano-allemande de l’eugénisme néo-darwinien depuis la fin du XIXè siècle, se perpétuant aujourd’hui dans la reconfiguration mortifère empoisonnant tout l’univers du Numéricain aliéné (dont Baudouin de Bodinat, que cite abondamment Royer, offre tant de portraits saisissants de drôlerie et de justesse désespérée) :
«Après 1945, le complexe scientifico-militaro-industriel qui a donné naissance au nucléaire a contaminé puis colonisé les pouvoirs politiques, ce qui a représenté le point de départ d'un autre monde dont un recul historique suffisant permet d'avancer qu'il est en état de guerre générale, mais non déclarée, contre toutes les formes de vies animales ou végétales. Dans ce monde, tout a été progressivement transformé en ‘‘ressource’’, un terme objectivant issu du mode de connaissance scientifique pour désigner d'abord notre havre de vie, la Terre, puis, par contagion, ses habitants qui sont des ‘‘ressources humaines’’, avant que celles-ci n’aquièrerent finalement le statut de variables d'ajustement, c'est-à-dire d'abstractions. De ce point de vue, l'idée selon laquelle Internet et la virtualisation de toute chose sont le nec plus ultra de la modernité contribue de manière décisive à nous faire avaler une dernière pilule avant l'ubérisation globale des transhumains auto-aliénés.
Le nucléaire, c'est la figure de proue d'une civilisation fondamentalement morbide, mortifère et autodestructrice qui s'est violemment imposée en Occident depuis deux siècles. En conséquence, penser le nucléaire autrement, c'est se proposer de disséquer un puissant archétype de la mort, une mort qu'aucune autre civilisation dans l'histoire humaine n'avait à ce point érigée en figure tutélaire. Penser le nucléaire a donc ceci ‘‘d'impossible’’ que cela oblige à côtoyer la mort au quotidien, à penser en permanence cette figure exceptionnelle de la mort en marche, sous toutes ses formes, dans tous ses états, sans qu'aucun d'entre nous puisse en prévoir le terme de manière plausible. De plus, dans le domaine nucléaire, il n'y a pas et il n'y aura jamais d'espoir de ‘‘délivrance’’ - ce que tout être humain normalement constitué ne peut se résoudre à accepter; il s'agit là d'un des aspects les plus rebutants pour la réflexion, une sorte d'épreuve du feu pour la pensée.»
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« L’industrie automobile a produit le bien de consommation complexe le plus coûteux de l’histoire, elle a su l’écouler auprès des masses en éveillant chez elles une aspiration au prestige auparavant réservée à la haute bourgeoisie à travers la possession d’attelages avec cocher. Cette marchandise dégageait une importante survaleur, était capable de circuler par elle-même, de stimuler l’essor de nombreuses autres industries ; elle se dévalorisait rapidement tout en exigeant une dépense constante (entretien, réparation et carburant). La production de cette marchandise dispendieuse a entraîné avec elle le développement fulgurant de l’économie mondiale. L’exploitation du pétrole, la construction de réseaux de stations d’essence, de garages et de points de vente, de routes asphaltées et d’autres infrastructures ont modelé la géographie physique des nations, modifié les villes et l’urbanité, produit de nouveaux paysages, une nouvelle manière de se déplacer, une nouvelle perception de l’espace et du temps frappée du sceau de la vitesse. Le monde apparu dans le sillage de l’automobile a touché tous les aspects de la vie quotidienne et de la culture en Occident.
L’automobile, par la technique mise en jeu, par les modifications des modes de vie qu’elle a induites est devenue le signe distinctif de toute une époque, signe que chacun, même les plus démunis, sont désormais sommés d’arborer. À travers ce type de phénomène, l’industrie de masse a engendré une civilisation des foules, bâtie sur les décombres de l’imaginaire antérieur, comme en témoignent à cette époque les films Metropolis de Fritz Lang ou Les Temps Modernes de Chaplin. Elle a contribué à approfondir l’obsolescence de ‘‘l’homme au travail’’, ou ce qu’on pourrait nommer sa liquidation dans le travail salarié. »
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« Côté production les matières premières qui entrent dans la composition du téléphone portable, en particulier les terres rares, l’or, le tantale, l’étain et le tungstène, sont extraites dans des zones de conflit armé ou dans des conditions d’exploitation d’une telle sauvagerie qu’ils sont à juste titre appelés les ‘‘minerais de sang’’. Tout le cycle de ces marchandises, de la fabrication chinoise à la décharge africaine sauvage dans laquelle pataugent des misérables à demi nus, en passant par leur fonctionnement (champs électromagnétiques), est producteur d’une pluralité de morbidités et de graves toxicités pour l’ensemble du vivant. Le constat est inévitable : désirer ces objets et le style de vie qui leur est associé est non seulement mortifère, mais participe à ce que nous avons proposé d’appeler une guerre généralisée au vivant. »
Lire Jean-Marc Royer, pour commencer
Lire Jean-Marc Royer, pour commencer
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Bonjour à toutes et à tous,
Tout au parachèvement du manuscrit de mon prochain pamphlet (Chaque jour j’attache moins de prix à l’Intelligence Artificielle, Considérations sur la calamité cybernétique), je découvre des auteurs qui m’étaient inconnus (Royer, Bodinat, Jean-Baptiste Fressoz, Marc Atteia, Judy L. Klein et alii…), précieux complices dont la belle eau sera apportée au moulin de ma réflexion par le truchement de certaines citations choisies et appropriées.
Pour commencer, il est fortement conseillé de vous procurer d’urgence l’essai crucial de 2017 de Jean-Marc Royer, que j’achève aujourd’hui de lire: Le monde comme projet Manhattan, Des laboratoires du nucléaire à la guerre généralisée au vivant.
Il s’agit d’une réflexion fournie et cohérente qui permet d’envisager généalogiquement la co-responsabilité de l’esprit scientifique (la rationalité calculatrice ) et du capitalisme dans l’élaboration des deux traumatismes génocidaires majeurs symptomatiques du XXe siècle (Auschwitz & Hiroshima), eux-mêmes rendus possibles par la destruction du rapport traditionnel à la mort inauguré avec la grande boucherie de 14-18, modernisée en 39-45, destructions préparées en amont par la promotion américano-allemande de l’eugénisme néo-darwinien depuis la fin du XIXè siècle, se perpétuant aujourd’hui dans la reconfiguration mortifère empoisonnant tout l’univers du Numéricain aliéné (dont Baudouin de Bodinat, que cite abondamment Royer, offre tant de portraits saisissants de drôlerie et de justesse désespérée) :
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À suivre…