La question des territoires occupés par Israël à partir de 1968 s’inscrit elle aussi dans cette généalogie du refus, qui vit toute proposition juive rejetée par les Arabes sur le mode des « trois non » du sommet de Khartoum le 1er septembre 19671 :
« Les chefs d'État arabes sont convenus d'unir leurs efforts politiques aux niveaux international et diplomatique pour éliminer les effets de l'agression et assurer le retrait des forces israéliennes agressives des territoires arabes occupés depuis l'agression du 5 juin. Cela se fera dans le cadre des grands principes auxquels les États arabes se conforment, à savoir, pas de paix avec Israël, pas de reconnaissance d'Israël, pas de négociations avec lui <je souligne>, et l'insistance sur les droits du peuple palestinien dans leur propre pays. »
Comme si au fond les vaincus (les Arabes) et les vainqueurs (Israël) de la guerre des Six jours avaient échangé leur position ! C’est tellement vrai que la très récente normalisation d’Israël avec le Soudan (dont Khartoum est la capitale) en vue d’un prochain accord de paix signé dans le cadre des accords d’Abraham, s’est conçue sur le mode de « trois oui », comme l’a indiqué Élie Cohen en déplacement à Khartoum le 2 février 2023 :
« Nous construisons une nouvelle réalité avec les Soudanais dans laquelle les trois "non" deviendront les trois "oui" : oui aux négociations entre Israël et le Soudan, oui à la reconnaissance d'Israël, et oui à la paix entre les États et entre les peuples. »2
« Si les Arabes avaient accepté le projet Peel en 1937 », écrit Walter Laqueur en conclusion de sa somme historique3, « l'État juif aurait été limité à la plaine côtière entre Tel-Aviv et Haïfa. S'ils n'avaient pas repoussé le plan de partage des Nations Unies en 1947, la plus grande partie de la Palestine serait encore entre leurs mains. La thèse arabe selon laquelle l'expansion sioniste était inévitable est un exemple de ces prophéties qu'on accomplit soi-même : les Arabes firent tout ce qu'ils purent pour qu'elle devînt vraie en choisissant le parti de la résistance armée – et en perdant. »
Les Arabes sont ainsi passé sans transition d’une dédaigneuse intransigeance avant la création d’Israël à une rageuse obstination après. À moins d’être Norpoisisé comme Henry Laurens – lequel ne semble constater de l’antisémitisme musulman que dans la seule ville de Hébron, ce qu’il qualifie avec son style aux pincettes de chancellerie de « forte tradition d’hostilité aux Juifs » –, on peut difficilement nier la dimension profondément antisémite de l’attitude arabe en général.
« Dans l’ensemble », conclut Henry Laurens de la Commission Peel, « les dépositions arabes choquent les membres de la commission par leur radicalité et par l’hostilité, mâtinée de chantage au soulèvement, manifestée envers les Britanniques. »
L’accord des sionistes au plan de partage ne se fait pas pour autant d’une seule traite, les polémiques et les désaccords bouillonnent, mais à la différence du camp arabe, despotique et violent envers ses contradicteurs en son sein, l’Organisation sioniste mondiale est démocratique et, depuis les premiers congrès, décide à la majorité des voix toutes ses orientations cruciales sans lesquelles l’État Israël ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui : la Palestine plutôt que l’Ouganda ou l’Argentine ; l’hébreu comme langue nationale plutôt que le yiddish ; et en l’occurrence l’acceptation du plan Peel plutôt que son refus :
Bensoussan :
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