Ainsi, sa critique du christianisme à la fois comme fondement (imperium ecclésial) et instrument de pouvoir (le « christianisme culturel » à quoi il associe le regain d’intérêt pour Pascal en Allemagne) conçoit très bien certaines raisons (pas toutes) de l’antijudaïsme chrétien :
« Tout dogmatisme <Dogmatismus>», écrit-il toujours dans ces mêmes pages1, « qu’il relève de la politique ecclésiale ou de la politique étatique, tient nécessairement toute pensée et toute activité qui s’écarte apparemment ou réellement de lui pour une manière de souscrire à ce qui, pour lui, le dogmatisme, est l’ennemi juré – que ce soit les païens ou les athées, les Juifs ou les communistes. Dans cette manière de penser réside une force propre – non pas celle de la pensée – mais celle d’imposer ce qui est proclamé haut et fort. »
Et en même temps, désaxé par son étrange et spécifique colère contre le catholicisme (autant dire contre la foi de ses propres parents et de son enfance !), il envisage le catholicisme comme venant s’imposer au protestantisme et au nazisme de l’extérieur, sous la forme d’un totalitarisme dogmatique foncièrement non-allemand, cela juste avant de s’en prendre au « comportement juif » qui instrumentalise la culture…
« Pourquoi sont-il si nombreux à présent – peut-être même tout ce qu’il reste encore du protestantisme (sic !) – à se tourner vers l’Église catholique ? Par peur de lui – le catholicisme. Le catholicisme politique a été relayé par une politique ‘‘catholique’’ ; l’essence de ce qui est ‘‘catholique’’ ne réside ni dans ce qui est chrétien ni dans ce qui est ecclésial en tant que tel – mais s’appelle katholon – exerçant son règne sur tout – le ‘‘total’’. L’Église ‘‘catholique’’ s’illusionne lorsqu’elle estime que ceux qui la rejoignent seraient mus par des ‘‘besoins religieux’’, et le national-socialisme ne devrait pas s’étonner outre mesure qu’il ne puisse devenir lui-même que la courroie de transmission < sic !> de cette aflluence. »
On voit comme sa colère envers le catholicisme lui fait amoindrir le rôle du nazisme dans la domination, devenue simple « courroie de transmission » : « Er zum Schrittmacher dieses Zulaufes werden muß. »
Schrittmacher, en allemand moderne, c’est un stimulateur cardiaque ; Schritt c’est le « pas » que l’on fait, et Schrittmacher ce qui fait que l’on fait un pas, ce qui vous stimule à avancer. Zulaufes, c’est l’affluence (à un spectacle par exemple), ce qui se précipite, zulaufen signifiant « courir vite »…
Le nazisme serait donc uniquement ce qui stimule l’affluence vers le totalitarisme catholique !
Continuez votre lecture avec un essai gratuit de 7 jours
Abonnez-vous à Stéphane Zagdanski pour continuer à lire ce post et obtenir 7 jours d'accès gratuit aux archives complètes des posts.