Merci à Fabien Ribery pour son excellente analyse du premier volume de la GGG paru en livre:
"La Gestion Génocidaire du Globe est un titre qui dit tout de la dévastation en cours, l’allitération des G frappant le lecteur comme autant d’uppercuts mentaux.
Il s’agit d’une série d’interventions/conférences/cours de Stéphane Zagdanski donnés sous la forme d’un séminaire diffusé sur YouTube, constituant depuis 2020 l’une des pensées plus remarquables concernant l’ère des ravages à laquelle nous participons, peu ou prou, à chaque instant.
Paraît aujourd’hui le texte de la séance d’ouverture du 12 avril 2020 intitulée L’Indigestion du Monde.
La reprise d’une parole de Gilles Deleuze dans son cours sur Spinoza du 6 janvier 1981 m’enthousiasme : « Ne passez jamais une seconde à critiquer quelque chose, ou quelqu’un. Critiquez jamais, jamais, jamais. Et si on vous critique, vous dites d’accord, passez, hein, rien à faire… Trouvez vos molécules, quoi… Si vous trouvez pas vos molécules, vous ne pouvez même pas lire. Lire c’est ça, c’est trouver vos molécules à vous… Elles sont dans les livres, vos molécules cérébrales. Elles sont dans les livres et ces livres, il faut que vous les trouviez. Je trouve que rien n’est plus triste chez des jeunes gens doués, en principe, que, pour eux, vieillir sans avoir trouvé les livres qu’ils aimaient vraiment. »
Voilà pourquoi il faut transmettre, sans cesse, des noms, des œuvres, en espérant que chacun trouve sa pépite, s’y moléculisant en fonction de son idiosyncrasie, de sa complexion, de son tempérament.
La Gestion Génocidaire du Globe n’est pas qu’une formule brillante, presque talmudique – employée pour la première fois en 2008 dans Debord ou la diffraction du temps -, c’est aussi le déploiement d’une pensée à partir de quelques-uns des points les plus saillants de la bibliothèque, Tristan Tzara, Antonin Artaud, Martin Heidegger, Guy Debord, et la meilleure littérature classique.
Qui est aujourd’hui le tyran universel ? Le calcul en sa puissance algorithmique ? Le management ?
Les bons documentaires, de Alain Resnais (Les Statues meurent aussi) à Michael Moore, précise Stéphane Zagdanski, nous ont ouvert les yeux, maintenant nous en savons davantage encore sur l’abjection, qu’il ne faut plus uniquement constater – la ruine de la nature entière et des derniers espaces encore non colonisés en l’homme -, mais penser.
Quelle heure est-il dans l’anéantissement ?
Quel est le rôle de l’aveuglement scientifique dans la catastrophe ?
Les tenants du néolibéralisme ne sont-ils que les pantins du maléfice qu’ils mettent en œuvre ?
De quelles coordonnées procède le Mal, dont l’empire de la Finance est l’un des noms ?
Comment sortir de la métaphysique et ne surtout pas être philosophe ?
« La question que je me pose, écrit l’auteur de L’impureté de Dieu, est donc la suivante : y aurai-t-il un rapport entre la malfaisance la plus crue – dont le génocide est l’archétype – et l’architecture abstraite de l’Occident, l’histoire des idées, ses religions, ses sciences et ses philosophies ? »
L’indice peut-être le plus fiable pour identifier la haine de la pensée comme ouverture et l’infini du sens est l’antisémitisme, tant le ravage s’édifie sur la clôture et le refus de l’attente, comme de la promesse.
Le génial Heidegger est ainsi d’autant plus intéressant qu’il se heurte à la pensée juive.
Génial ? Oui, évidemment. Ecoutons-le avec le séminariste punk installé à Marseille dans Introduction à la Métaphysique (1935) : « L’obscurcissement du monde, la fuite des dieux, la destruction de la terre, la grégarisation de l’homme, la suspicion haineuse envers tout ce qui est créateur et libre, tout cela a déjà atteint, sur toute la terre, de telles proportions, que des catégories aussi enfantines que pessimisme et optimisme sont depuis longtemps devenues ridicules. »
On gère ses comptes – si l’on en a -, on gère ses enfants, son couple, sa vie.
On est une machine à calculer évacuant la Parole.
Descartes est réinventé : « je gère, donc je pense. »
Mais penser, rappelle l’écrivain avec Nietzsche, c’est bondir, et considérer, de face, l’animosité, et les politiques du ressentiment.
Avec l’extinction des jaguars s’éteindra bien évidemment l’humanité.
En envisageant notre destin grec au regard du refoulé du judaïsme, dans une forme de liberté orale lacano-deleuzienne, Stéphane Zagdanski questionne la possibilité de l’innocence dans la destruction cybernétique et intime des derniers des vivants humains.
« Cette Weltanschauung rationaliste, confie-t-il à Alexandre Gilbert dans A quoi bon un séminaire sur YouTube en temps de détresse ? (pour The Times Israël, 13 juin 2021), est en train de tout mettre à mort sous les fourches caudines de l’Intelligence Artificielle, s’attaquant à la source de toute vie, qui n’est autre que la Parole. Etre en mesure de penser cela est la consolation, certes mince, de qui assiste impuissant au ravage, avec des larmes de rage dans l’âme et une grande tristesse au cœur. »"
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Premier article paru sur le livre L'indigestion du Monde (la GGG vol.1)
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Pour acheter le livre: https://laggg2020.com/lindigestion-du-monde/
Merci à Fabien Ribery pour son excellente analyse du premier volume de la GGG paru en livre: