Autre symptôme de jouissance charnelle confisquée par la mère-crocodile, l’opposition du shahid à une prostituée, dans une ancienne vidéo de propagande du Hamas où apparaît Abdullah Azzam, imam palestinien mort en Afghanistan en 1989. J’ai cité tout à l’heure, à propos de l’opposition symbolique faite par Mohammed Benmerieme entre la « Mère » et la « Pute », une partie de ce discours de propagande qui voue la ganhyiah à l’amnésie (oblivion en anglais) :
« <Abdullah Azzam> oppose ensuite la mort noble des mujahidun à la mort ignoble et à l'‘‘oubli’’ certain des ghaniyat, un terme qui signifie littéralement ‘‘jolies filles’’ dans le langage familier palestinien, mais qui est souvent utilisé comme euphémisme pour ‘‘prostituées’’. »
Or étrangement, dans la suite du discours, c’est le mudjahid lui-même que l’oubli vient saisir :
« Comme dans ce graffiti, que nous avons enregistré dans le quartier de Beit Hanina, à Jérusalem. ‘‘J'ai oublié mon nom /J'ai oublié mon adresse /Je suis venu à toi, ô Mère de tous, et j'ai gravé mon nom sur ma mitraillette’’...»
L’oubli du nom, c’est aussi l’oubli caractéristique du père (du Nom du Père en conséquence) significativement absent du discours djihadiste.
Loadenthal :
« Il est extrêmement rare, dans le discours sur le martyre, de trouver des réactions publiques de pères, de frères, de sœurs ou de conjoints. Ce discours ignore largement les pères et se concentre uniquement sur les parents féminins et leurs enfants masculins ou féminins. »
Il n’est pas indifférent d’écouter lorsque on lui demande son nom ce que répond sur la cassette vidéo analysée par Oliver et Steinberg le souriant perpétuel Abu-Surur, dont le surnom est Abu-ash-Shahid , soit le « Père du martyr » – et donc logiquement le mari de sa mère !
« Abu-Surur, un homme aux multiples noms. Parfois, on l'appelle ‘‘Mahir’’, parfois ‘‘Hamza’’, parfois ‘‘Abu-ash-Shahid’’. Ce dernier, il l'a choisi pour lui-même, et c'est son préféré. Étrangement, ce n'est qu'à la fin de l'entretien que Rushdi demande à Abu-Surur son nom. Pendant un moment, Abu-Surur, l'homme aux nombreux noms, l'homme jamais à court de mots, reste sans voix. ‘‘Mon nom’’, dit-il, et il fait une pause. ‘‘Ton frère en Allah, Hamza Abu-Surur’’.
Et puis, avant de donner son nom de guerre, il rit. Pourquoi rit-il ? Est-ce parce que toutes ces informations sont bien connues, ou parce qu'il n'existe plus effectivement et qu'il trouve étrange d'avoir un nom ? »
« Le Fatah est ma mère et la mitrailleuse est mon père », dit un slogan djihadiste cité par Oliver et Steinberg. Engendré pour la mort par une mère pondeuse de shahids1, comme en témoigne l’hommage aux mères organisé par le Hamas et diffusé le 3 novembre dernier, qui ne peut manquer de faire songer à la fascinante formule de Faulkner dans Les palmier sauvages : « tombe-matrice ou matrice-tombe - ça revient au même » :
« "Nous sommes des femmes exaltées et pieuses. Quand nos enfants sont martyrisés, quand nous portons nos enfants [dans nos ventres], et quand nous les enterrons, ce n'est pas que nos enfants ne nous soient pas chers, mais notre terre nous est plus chère que nos enfants, notre patrie et nos lieux saints nous sont plus chers que nos enfants. Ceux qui n'ont pas de martyrs dans leur famille n'ont pas de patrie. Ceux qui n'ont pas de prisonnier dans leur famille n'ont pas d'honneur. Nous devons mener le Jihad pour la Palestine, notre terre. »2
Ou, pour passer au registre du grand spectacle hollywoodien, on peut songer aussi ici à la mère pondeuse de monstres dans Alien !
« Par Allah, le sang de nos martyrs, j'ai 17 enfants et 65 petits-enfants. Par Allah, je les sacrifierai pour le bien de la Palestine et de la mosquée Al-Aqsa. Je [les sacrifierai] de tout mon cœur et avec joie. Ils sont le prix à payer pour notre patrie. J'ai dit à mes enfants et à mes petits-enfants : "Vous êtes le prix de notre patrie. Je vous donne à notre patrie". »
Barbara Victor, bébé qui « n’épargnera aucun Juif »
Le rôle du shahid consiste à disparaître en emportant avec lui (dans la tombe et l’oubli) tout ce qui ne participe pas à la jouissance maternelle, cette jouissance féminine traditionnellement manifestée par la zaghrada, les ullulations lors des mariages et… des funérailles de shahids!
« Quand enfin son fils est martyrisé, on dit qu'elle est folle de joie en entendant la nouvelle et émet une zaghrada (un gémissement aigu émis par les femmes lors d'occasions heureuses, comme l'entrée des mariés à leur mariage), parfois même en exprimant le souhait que tous ses fils soient ainsi pris… »
« L'antithèse de la ghaniya est, bien sûr, la mère, premier témoin terrestre du sacrifice de soi du moudjahid et, presque invariablement, l'adresse de ses dernières paroles, comme dans ce graffiti, affiché à la mort du martyr Khalid Abu-Tariq : "Et bien que trois balles se soient logées dans son corps pur, il s'est traîné hors de la maison sur laquelle il se tenait et est allé voir sa mère, et lui a dit : 'O ma mère, j'ai été martyrisé. Je témoigne qu'il n'y a pas d'autre dieu qu'Allah, et que Mohammed est le messager d'Allah" ».
« Ici », continuent Oliver et Steinberg, « comme dans tous les médias de l'Intifada, le pouvoir générateur de la mère est généralement transposé dans la machinerie de guerre <je souligne>, comme dans des messages tels que : "Tant que les mères porteront des bébés, alors l'Intifada continuera", "Ma mère m'a donné la vie pour lutter - le Fatah m'a donné l'arme à tenir ", et " Ma mère m'a donné naissance pour mourir <My mother bore me to die>, et le Hamas m'a appris la persévérance".
On dit qu'elle a nourri le héros avec "le lait de la fierté". Alternativement, on dit que sa poitrine est remplie de Molotovs < sic ! je souligne>. »
On conçoit que dans cette kyrielle d’associations aussi cohérentes qu’elles sont délirantes, la figure du père a sombré parfaitement dans l’oubli… lequel oubli étrangement est associé à la Pute, comme l’est la mère qui refuse que son fils se suicide!
« Peteet affirme que dans l'ensemble du monde arabe, l'hypothèse selon laquelle les mères sont "sacrificielles" est cohérente et incontestée. Si l'on accepte l'argument de Peteet, alors les actions des mères des martyrs s'inscrivent dans les rôles sexués attendus. La mère est censée souffrir tout au long de la lutte, son identité étant considérée non seulement comme celle qui " donne la vie " mais aussi comme l'entité bienveillante du sacrifice. Ces exigences sur les facultés reproductives des femmes palestiniennes sont socialement construites, rendues nécessaires par le conflit et présentées comme des attentes incontestables. Si une mère défie ces attentes – par exemple, en refusant de donner naissance à des enfants ou en isolant ses enfants de l'Intifada – elle peut être étiquetée comme une "femme de la rue". »
Comment comprendre le soubassement antisémite du discours suicidaire, antisémitisme qui s’exprime à l’air libre mais dont l’antisionisme traite comme la part la plus superficielle de la revendication palestinienne.
JUSQU’À 35’10 « TO ABIDE PALESTINIAN LAW »
Il faut en revenir à l’association que j'ai pointée il y a deux séances entre le Juif et la Femme, d’une part, et celle (par opposition contrastée) entre la Pute et la Mère. Que la Pute et le Juif-« dégoûtant »-femme-séductrice puissent être associés dans le délire djihadiste en une même abjection mortifère doublée d’oubli du Père, c’est ce que permet l’Islam qui, à la différence du christianisme, ne se conçoit pas comme foi filiale, comme religion fille engendrée par la religion du Père. Par une usurpation généalogique revenant à amputer le Père juif de sa paternité, la théologie musulmane fait de tous les prophètes juifs des musulmans à part entière et de toute éternité, à commencer par Moïse, le fondateur du judaïsme, soit Nabi Moussa.
Nabi Moussa est devenu l’emblème théologico-politique du nationalisme palestinien dès les années 20, à l’instigation de la famille Husseini (famille du mufti nazi et d’Arafat) qui a longtemps organisé le pèlerinage vers le village, la mosquée et le tombeau supposé de Nabi Mussa. Or, contrairement au tombeau des Patriarches à Hébron par exemple, aussi sacré pour les Juifs que pour les musulmans, la sacralité de Nabi Mussa ne correspond qu’aux seuls critères tardifs de l’islam, pusique selon la Torah Moïse est mort sans avoir eu l’autorisation d’entrer en Terre promise, et que le lieu de sa sépulture demeure inconnu.
Par ailleurs, la paternité juive que ne manque pas de reconnaître le christianisme au « Fils de Dieu », qui selon le dogme trinitaire métamorphose le Fils (le Christ) en « Père de sa mère», et permet de la sorte de comprendre l’étrange formule si peu djihadiste de Jésus en Marc 3, 33 : « Qui est ma mère ? » :
« Sa mère et ses frères arrivèrent donc. Ils se tenaient dehors et l’envoyèrent appeler. La foule était assise autour de lui, et on lui dit : ‘‘Voici, ta mère et tes frères [et sœurs] sont dehors et te cherchent.’’ Il répondit : « Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? » Puis il promena le regard sur ceux qui étaient assis tout autour de lui et dit : « Voici ma mère et mes frères. En effet, celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère. »
Cette paternité judaïque est violemment refoulée par l’islam qui, usurpant la place du Père juif, voué dès lors à l’amnésie, ne laisse plus à Israël que, dans le meilleur des cas, la vague place d’un « cousin » indigne… Ainsi la profonde querelle autour du Mont du Temple (laquelle est en partie la cause de l’échec des négociations de paix des années 2000) repose sur cette usurpation théologale initiale qui ne supporte pas (car rien ne la porterait plus, théologiquement parlant) que quoi que ce soit rappelle l’antériorité juive sur l’islam. J’y reviendrai lors d’une prochaine séance en évoquant les multiples raisons de l’échec de tous les processus de paix – la principale étant selon moi l’impossibilité pour le Palestinien « moyen » de concevoir (et a fortiori de désirer) une véritable paix avec les Juifs.
Je n’ai pas encore cité une confidence que m’a faite Mohammed Benmerieme dans son email, concernant son divorce, qu’il m’a autorisé à rapporter :
« Ensuite, je désire te faire part de quelques passages d'un écrit actuel (« La nuit du monde »). Ces passages ne sont pas sans flirter avec «l'humeur massacrante» des musulmans à l'égard des juifs dont tu parles - mais tout aussi bien à l'égard des êtres (arabes...) qui ne partagent pas cette "humeur massacrante". J'en ai fait personnellement les frais !... Les voici (« La nuit du monde » raconte l'histoire d'un être, le narrateur, « déprimé » par la perte de N*, son épouse) :
«Alors que lors de votre rencontre et pendant quelques années, N* vous savait et aimait fondamentalement athée et appréciant, à certaines occasions, la douce ivresse généré par l'alcool, la voilà qu'elle vous exhorte, maintenant, à devenir musulman, à prier, à jeûner et à cesser impérativement de boire de l'alcool. Elle désire donc que vous deveniez comme elle, le même qu'elle. Par peur de la perdre, vous cédez, du coup, lâchement sur vos désirs en vous alignant sur les siens, de désirs. N'ayant aucune foi en son Dieu, pendant des mois, vous ferez ainsi semblant, aux yeux de N* et de ses proches, d'être musulman. Vous vous aliénez ainsi tristement à une vie qui n'est plus du tout la vôtre. Vous avez réellement honte de ce que vous êtes réellement devenu par amour pour N*.
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