Podcast audio complet de la séance
Si vous avez suivi les dix longues séances précédentes, vous commencez d’avoir une bonne idée de la complexité de cette affaire, et de bien des mensonges, d’omissions et de généralisations abusives accumulés sur le sionisme au cours de ses 88 années d’existence (de 1860 à 1948), comme tous ceux accumulés sur l’État d’Israël qui vient de fêter ses 75 ans d’existence le 25 avril 2023.
Nous sommes le 3 mai 2023, et les actualités étant ce qu’elles sont, il est difficile de ne pas avoir la désagréable impression que tout va de mal en pis pour l’État d’Israël – donc pour les Juifs du monde entier, auxquels son sort est historiquement et subjectivement lié –, comme pour le reste du monde, avec cette différence pour Israël (et peut-être pour quelques autres endroits comme Taïwan ou le Tibet, ou éventuellement l’Ukraine, si la Russie gagnait sa guerre) que le fantasme antisioniste de sa « disparition » est à nouveau militairement envisageable par ses pires ennemis, avec à leur tête l’abject et hélas redoutable régime iranien.
À l’heure où je parle, il est plus que probable qu’une guerre sera bientôt déclarée. Déclenchée sur plusieurs fronts, comme aux pires moment de l’histoire d’Israël, elle risque d’être (tout cela demeure hypothétique) difficile à gagner pour Tsahal : les plus fanatiques ennemis de l’État juif sont sur les dents à ses frontières, l’Iran impose de plus en plus son ombre menaçante dans la région et de nouveaux pactes géopolitiques se nouent dans le monde arabe et au-delà qui n’augurent rien de bon. Tout est toujours possible, bien sûr, mais le pire aussi, quand le meilleur demeure, quant à lui, très improbable.
Le meilleur, ce serait selon moi qu’Israël attaque l’Iran préventivement de manière foudroyante, détruisant à la fois ses installations pré-nucléaires et ses capacités militaires, faisant consécutivement tomber le tyrannique régime des mollahs et rendant par la même occasion sa liberté au peuple iranien qui ose la réclamer à haute voix depuis quelques mois maintenant.
Une telle chute de l’Iran entraînerait dans sa foulée la désintégration financière et militaire de ses satellites que sont le Hezbollah, le Hamas, le Djihad islamique et quelques autres parmi les ennemis acharnés d’Israël à ses frontières.
Les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, sous le choc psychologique de l’effondrement de leur fantasme d’une Palestine « libérée du fleuve à la mer », seraient mûrs pour être définitivement dédjidahisés (de force donc, non de gré), comme les Allemands furent dénazifiés et les Japonais démilitarisés après leurs défaites, les derniers renonçant constitutionnellement en 1946 au principe même de la belligérance
:« ARTICLE 9
Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l’ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ainsi qu’à la menace ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux.
Pour atteindre le but fixé au paragraphe précédent, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre. Le droit de belligérance de l’État ne sera pas reconnu. »
À partir de là, les Palestiniens acceptant, de force donc, non de gré, le principe de leur défaite idéologique et de l’indestructibilité d’Israël, signeraient enfin avec 75 ans de retard une paix définitive qui leur permettrait de s’organiser un État d’abord démilitarisé quel qu’il soit (il n’aurait à peu près aucune chance d’être « démocratique », égalitaire et incorrompu, mais ce ne serait plus le problème des Israéliens), et surtout où qu’il soit entre la Cisjordanie et la Jordanie, dont le régime hachémite ethniquement minoritaire serait avantageusement remplacé par un gouvernement modéré palestinien (à condition de considérer que la majorité des Palestiniens sont « modérés », c’est-à-dire en faveur d’une vie paisible, dédjihadisée, à côté d’Israël, ce dont nul ne peut jurer), autrement dit un gouvernement correspondant ethniquement à 70% de la population jordanienne actuelle ; tous les réfugiés palestiniens du monde pouraient quitter enfin les camps misérables de Syrie, du Liban, de Jordanie et d’ailleurs (où leurs frères arabes les ont généreusement confinés depuis quatre générations en les maintenant sous respiration – ou plutôt sous étranglement – idéologique artificielle, par l’intemporel délire hallucinatoire de leur retour dans une Palestine déjudaïsée), et venir s’installer à quelques encablures du terroir de leurs ancêtres. La paix aidant, ils pourraient venir quand il le souhaiteraient prier en paix à la mosquée Al Aqsah à Jérusalem, exactement comme n’importe quel Parisien peut aller visiter à sa guise les Châteaux de la Loire sans que cela ne déclenche la moindre émeute de descendants d’émigrés royalistes…
Voici ce projet idéal (pas pour les antisionistes évidemment) évoqué par Georges Bensoussan dans un entretien du 20 mai 2021 :
https://youtu.be/ipNycsTvbEU?t=1074
Jusqu’à 19’ 11 « Et ça s’appelait la Palestine »
Inutile de préciser que cela n’arrivera sans doute jamais, pour plusieurs raisons de fond, dont l’une ressortit à l’antisémitisme dans le monde musulman et dans la société palestinienne et dont l’autre n’est autre que la bonne vieille servitude volontaire, qui est comme coessentielle aux régimes islamiques, comme l’explique Bernard Lewis dans une étude de 1993 intitulée « Islam et démocratie » :
« Pour un croyant musulman, l'autorité légitime vient de Dieu seul et le gouvernant tient son pouvoir non pas du peuple, ni même de ses ancêtres, mais de Dieu et de la Loi sainte. /…/ En principe, l'État est l'État de Dieu gouvernant le peuple de Dieu, la loi est la loi de Dieu, l'armée, l'armée de Dieu et l'ennemi, bien entendu, l'ennemi de Dieu. En l'absence de corps constitué, législatif ou autre, point n'est par ailleurs besoin d'un principe de représentation ou d'une quelconque procédure pour choisir des représentants. Il n'y a aucune occasion de prendre des décisions collectives et donc aucun besoin d'une procédure pour les élaborer et les exprimer. Seul le consensus est admis. Des problèmes qui sont au centre du développement politique de l'Occident comme la conduite des élections, la définition et l'extension du droit de vote, n'ont aucune place dans l'évolution politique de l'Islam. Il n'est donc pas surprenant, compte tenu de ces différences, que l'histoire de l'État islamique soit celle d'une autocratie ininterrompue. A un gouvernant musulman légitime, le sujet musulman doit obéissance. C'est un devoir religieux: la désobéissance est un péché autant qu'un crime.»
…
Voici maintenant en illustration un reportage qui date de quelques jours, et qui montre que si de nouvelles alliances se fomentent au cœur du monde musulman (entre shiites et sunnites particulièrement).
VIDÉO IRAN S'ARME POUR DÉTRUIRE ISRAËL.MP4
Le pire est donc, sinon probable, en tout cas bien plus plausible qu’il y a seulement quelques mois. Aussi vient-il d’être envisagé par Mordekhai Kedar, dans un article récent du 16 avril 2023
, dont voici les grandes lignes :« L’Iran prévoit de lancer une attaque combinée contre Israël dans un avenir proche, qui inclura toutes les forces à sa disposition dans plusieurs pays arabes :
– Au Liban : le Hezbollah et le Hamas, avec plusieurs milliers de missiles, dont certains guidés avec précision, et des drones.
– En Syrie : Dix-sept unités de combat armées et prêtes à l’emploi (« milices ») : Fatimiun, Zinbioun, Nujabaa’, Hezbollah, Brigade Abu Al-Fadhl, « Asaa »b Ahl al-Haq, Brigade Khorasani, etc. L’Iran a transféré un très grand nombre de missiles et de drones en Syrie, qui sont prêts à être lancés.
– En Irak : Des dizaines de milices, armées de missiles et de drones.
– Au Yémen : Les Houthis, qui disposent de missiles iraniens à longue portée et de drones capables d’atteindre Israël.
– À Gaza : le Hamas et le Jihad islamique palestinien, qui disposent de missiles capables de mettre hors d’état de nuire les forces de défense israéliennes et les bases de l’armée de l’air israélienne. »
Et voici son interprétation des possibilités tactiques d’une défaite d’Israël (ce qui concrètement tournerait au massacre généralisé) :
« Sous le prétexte que le monde musulman a le devoir de sauver la mosquée Al-Aqsa de l’occupation et de l’oppression israéliennes, l’Iran mènera une attaque échelonnée, globale, intégrée et coordonnée contre Israël. La première phase consistera en une pluie de missiles et de drones provenant de toutes les zones susmentionnées ; l’Iran estime que le stock d’intercepteurs du Dôme de fer sera épuisé dans les deux ou trois heures, après quoi le ciel israélien sera ouvert et l’armée de l’air dégradée ou clouée au sol.
La première phase, aérienne, sera accompagnée d’une cyber-attaque sur les systèmes d’infrastructure israéliens. Après une journée entière de cyber-attaque et une pluie de missiles et de drones sur les bases militaires et les infrastructures civiles, la deuxième phase commencera. Il s’agira d’une attaque terrestre coordonnée à partir du Liban, de la Syrie et de Gaza par des forces d’infanterie montées sur des motos tout-terrain et des VTT et équipées d’armes antichars, qui attaqueront les forces terrestres israéliennes afin d’atteindre les localités juives le plus rapidement possible.
Le calcul des Iraniens est que la mobilisation des réserves israéliennes prendra plusieurs jours et sera au mieux partielle en raison du chaos qui résultera de l’attaque initiale. Les renforts de Tsahal n’arriveront pas à temps sur les différents fronts et les forces régulières s’effondreront en quelques heures face à l’assaut terrestre, comme cela s’est produit au canal de Suez et sur les hauteurs du Golan pendant la guerre du Yom Kippour (1973).»
En comparaison de ces intenses enjeux-là, la question palestinienne est désormais le dernier des soucis d’Israël. Le conflit avec les gangs armés de Cisjordanie, comme celui avec le Hamas à Gaza, demeure un conflit de très faible intensité en termes tactiques. Tout est déformé par le discours propalestinien qui donne un tableau de carnage à des opérations de police et parce que chaque djihadiste tué est présenté sur les réseaux sociaux comme un jeune Palestinien tué par une armée impitoyable et destructrice, conformément au discours antisioniste qui ne tient qu’à oblitérer entièrement cette réalité simple (ou à en justifier le bienfondé) qu’Israël est en guerre depuis toujours avec des ennemis plus ou moins puissants, mais toujours acharnés à lui nuire de toutes leurs forces, Palestiniens inclus, jusqu’à sa destruction… Il y a très peu de pays dans le monde (voire aucun) qui sont dans une situation comparable.
J’arrive ainsi lentement mais sûrement à la fin de mon long cycle sur l’antisionisme. Je crois ne plus trop avoir à démontrer l’indigence de l’idéologie antisioniste – travail minutieusement fait au cours des séances précédentes.
Je me contenterai de citer une fois pour toutes le plus éminent des philosophes
antisionistes de France, et chacun pourra se faire une idée du niveau de son argumentation :« Quelle est donc votre solution au problème du Moyen-Orient ?
L'existence d’une Palestine (ou tout autre nom choisi en commun) démocratique, laïque, ou les noms comme « juif » ou « arabe » seraient des noms du multiple dans le même lieu, des noms de la paix, aurait une telle puissance pour la pensée, et une telle puissance politique, que tout le Moyen-Orient en serait bouleversé. »
Il va être question aujourd’hui de quelques figures notoires de l’antisionisme français. On retrouvera pour chacune la même indigence dogmatique, et une absence de réflexion assez consternante sur le sens de l’histoire. Les antisionistes ont une fâcheuse tendance à occulter l’idée qu’il n’y a pas, en histoire, et surtout pas dans l’histoire des conflits, de vérité objective garante d’une impartialité absolue.
Concernant le centenaire conflit israélo-palestinien, selon que l’on est davantage sensible à la souffrance juive – parce que l’on est juif, qu’on a eu des parents persécutés ou déportés, ou parce qu’on apprécie, pour des raisons de dilection culturelle et spirituelle, le peuple juif, les coutume juives, les textes juifs, voire les grands noms juifs occidentaux ; ou bien davantage sensible à la souffrance des Palestiniens – parce qu’on est palestinien, arabe (y compris arabe israélien) ou musulman (y compris shiite iranien) ; parce qu’on a eu des parents exilés en 1948 (comme par exemple les célèbres mannequins Bella, Gigi et Anwar Hadid, filles du milliardaire promoteur immobilier Mohamed Hadid) ; ou encore parce que, fût-on juif, on apprécie la culture arabe, la langue arabe, la musique arabe, les coutumes et les valeurs de l’Islam… eh bien on penchera naturellement, ataviquement, plutôt en faveur d’un camp ou de l’autre.
Philippe Grosvalet sur les Palestiniens :
https://www.youtube.com/live/7ZZ4M6wGvAE?feature=share&t=830
Jusqu’à « ce symbole d’amitié et de fraternité»
D’ailleurs même l’appartenance à l’une ou l’autre culture n’est pas décisive : il y a des Juifs et même des Israéliens antisionistes (au point que l’élite de l’antisionisme en France et ailleurs est constituée en grande partie de Juifs, et des Musulmans heureux d’être israéliens et il y a des Juifs soit arabes soit nourris de culture arabe, de langue arabe, et de références à l’islam tel le magnifique Bernard Lewis, qui n’en sont pas moins de fervents partisans de l’État d’Israël…
(À suivre)
Nakamura, H. (2006). Le pacifisme de la Constitution japonaise : un pur optimisme ou une lumière au XXIe siècle ?. Cités, 27, 21-32. https://doi.org/10.3917/cite.027.0021
Islam, p.831, Quarto
Alain Badiou dans Portées du mot juif p.91