Il faut commencer par rappeler que le Talmud a sa source dans une séculaire tradition orale, compilée tardivement – après la destruction du Second Temple en 70 – nommée Michnah : de chana en hébreu שָׁנָה, qui signifie « répéter », d’où vient le mot « deux » chnaïm. Michna signifie « double », « copie » (comme en Josué 8, 32 : « Et là Josué écrivit sur les pierres une copie de la loi que Moïse avait écrite devant les enfants d’Israël. »
וַיִּכְתָּב־שָׁ֖ם עַל־הָאֲבָנִ֑ים אֵ֗ת מִשְׁנֵה֙ תֹּורַ֣ת מֹשֶׁ֔ה
« répétition », « second » au sens aussi de « seconder »…
La Michnah est le noyau exégétique à partir duquel va croître et s’amplifier la somptueuse pulpe herméneutique de la Guémara (de l’hébreu gamar גָּמַר qui signifie « terminer », « compléter », « achever » et dans l’araméen du Talmud, « polir », « parfaire », « parachever », mais aussi « détruire », « consumer » !).
La Michnah est donc la retranscription, à partir de la destruction du second Temple, de milliers de michnaïoth auparavant transmises oralement depuis des siècles de maîtres en disciples. Le mot michnah ne désigne donc d’abord pas un texte particulier, mais aussi bien le Midrach que le noyau talmudique, et d’une manière générale n’importe quel enseignement ancien venant faire « doublure » autour de la Torah. Au point que dans le Talmud les Docteurs se disputent sur ce que recouvre la Michnah :
« Qu’est-ce que la Michnah, Rabbi Meïr dit : halakhot ; Rabbi Yehouda dit : midrach. » Qidouchin 49a.
Une chose est sûre, le mot « michnah » désigne un savoir ésotérique, qui a été forcé par le malheur de se divulguer. C’est très important à prendre en considération car cette compilation n’a pas son origine dans une intention de diffusion et de vulgarisation, encore moins de prosélytisme. Sa source est la transgression d’un secret, révélation indispensable pour en assurer la préservation. Moïse Mendelssohn explique que les Docteurs qualifiaient cette retranscription de « destruction de la Loi et disaient avec le Psalmiste : « Il est un temps où au nom de Dieu il faut détruire la Loi. »
Mendelsohn fait ici allusion à un passage célèbre du traité Temoura1 :
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