Sur les bombardements israéliens (la bande de Gaza est un immense abri anti-aérien ! La population pourrait se protéger dans les 400 km de tunnel, le Hamas les en empêche).
Sur Israël en train de gagner cette guerre contre le Hamas : cette idée qu’Israël, seul et unique État juif au monde, mérite au fond d’être enfin battu – voire détruit – , engorge toutes les réactions inconscientes des non-juifs en majorité, et très conscientes des Musulmans dans leur immense majorité.
https://www.youtube.com/live/zO-TPaCOHGg?si=1ZMtPoTWpxgrRQ4d&t=5716
Jusqu’à 1h 36’ 44 « il semblerait que Tsahal soit en train de gagner »
Tout cela m’a fait réfléchir à l’avenir de mon Séminaire, et au public auquel il s’adresse. « Je parle aux murs » disait Lacan, et je pourrais dire pour ma part que je parle aux murs d’écrans. Il y a une disproportion entre la solitude d’une parole pensive et le leurre des visionnages sur YouTube, car les milliers de vues de mon Séminaire ne doivent pas faire illusion (il suffit que quelqu’un regarde quelques secondes une vidéo pour que cela soit décompté comme une « vue »), très peu de personnes ont suivi ce Séminaire depuis le début, ce qui est parfaitement conforme à sa nature « élitiste ». Je vais donc sans doute rendre ma parole encore plus élitiste, par exemple en réservant mes interventions aux seuls abonnés sur Substack…
On verra d’ici quelques semaines.
Après cette ultime séance, et surtout d’ici quelques mois après sa publication en volume papier dans le cadre des parutions régulières de la GGG, je n’y reviendrai plus. Je veux dire que je ne passerai pas le reste de ma vie à m’exprimer sur le sionisme, Israël, l’antisionisme et les Palestiniens. Je n’en suis pas pour autant optimiste quant au devenir de la réflexion sur l’antisionisme (et par conséquent sur le sionisme sur Israël, sur le conflit ni sur les Palestiniens). Tout ce que j’ai rapporté ici depuis plus d’un an, les longues citations des uns et des autres que j’ai pu faire, ce que j’ai étudié, patiemment analysé et montré durant des heures concernant Israël, la cause palestinienne, le sionisme ou l’antisionisme, les Juifs et les Musulmans, n’a pas pour ambition de rivaliser avec l’immense vulgate internationale d’animosité antisioniste. Cette vulgate procède de ce que Günther Anders qualifie, dans L’obsolescence de l’homme, d’« industrie des stéréotypes »1 .
Anders donne l’exemple d’une méthode archaïque de fabrication de stéréotypes, l’image du Juif colportée pendant le IIIème Reich par le journal nazi Stürmer, de Julius Streicher, qui finit par être interdit par les nazis eux-mêmes pour avoir exhibé trop grossièrement ses ficelles mensongères. Anders explique très bien que le stéréotype le plus efficace doit carrément remodeler la réalité à son image en abolissant la distance entre les deux, la réalité et son image, de sorte que c’est la réalité qui se réduise à sa propre image. Cette analyse date de 1956, et Debord la confirmera et l’approfondira avec sa notion du « spectaculaire intégré » en 1988.
Voici ce qu’écrit Anders :
« Que les stéréotypes n'atteignent leur maximum d'efficacité qu'en faisant preuve d'un maximum de réalisme, c'est un principe partout reconnu qu'appliquent désormais presque tous les magazines, presque tous les films et à coup sûr toutes les actualités cinématographiques. Notre époque n'est pas celle du surréalisme mais celle du pseudo- réalisme: c'est une époque où l'on retouche les images, et qui a elle-même retouché son image pour se présenter comme l'époque des révélations. Là où l'on ment – et où ne ment-on pas ? –, on ne ment pas avec des mots mais avec des photos ; ou plus exactement, on ne ment pas avec des photos, on ment en photographiant. Le médium de la photographie est en tant que tel si digne de confiance, si ‘‘objectif’’, qu'il peut digérer plus de non-vérités, mentir davantage que n'importe quel autre médium avant lui. Qui veut aujourd'hui stéréotyper la réalité camoufle d'une façon réaliste ses stéréotypes au moyen de la photographie. Mais pour pouvoir faire cela, pour pouvoir masquer la réalité avec une image prétendument réelle, on a à nouveau besoin d'une image bien particulière du réel, d'une image plus que réelle, d'une image ‘‘surréelle’’ si l'on veut, en tout cas d'une image éblouissante, bref, d'une photo à sensation. Même si elle est véridique, la photo à sensation ment parce que en éblouissant elle masque ce qui est, et contribue avec toutes les autres photos du même genre à donner une image du monde à laquelle ne correspond aucune réalité. Là où l'on doit fabriquer des stéréotypes, c'est le sensationnel qui devient l'incarnation de la réalité.»
Tout cela s’applique parfaitement, et même hyperboliquement, à la propagande pro-palestinienne devenue planétaire, qui légende une photo d’immeubles détruits à Gaza après un bombardement israélien en lui collant les étiquettes émotionnelles de « génocide » et de « crime de guerre ». Tous ces termes avec lesquels tout le petit monde éditorialo-journalistique joue et jouit en permanence depuis longtemps sont eux-mêmes devenus des images unidimensionnelles, exactement comme les terme d’« apartheid », de « suprématisme » ou de « sionisme ». Et ces « éléments de langage »-là sont désormais devenus ceux de la majorité des personnes qui s’expriment sur le conflit israélo-palestinien depuis au moins 20 ou 30 ans.
Fournir des explications rationnelles, subtiles, nuancées, philosophiquement argumentées et historiquement documentées ne sert strictement à rien, au sens où l’immense majorité des opinions publiques non seulement dans le monde arabe mais également en Occident, où l’« industrie des stéréotypes » bat son plein depuis des décennies, n’est pas susceptible de comprendre le conflit israélo-palestinien, ni aujourd’hui cette guerre que livre Tsahal au Hamas et aux divers djihadistes en Cisjordanie ou au Sud-Liban.
Pourtant, les premiers intéressés, les djihadistes expriment très clairement ce qu’ils pensent et ce qu’ils désirent, et cela d’autant plus ouvertement qu’ils savent la population mondiale confortablement hypnotisée par les étiquettes émotionnelles, qui sont leur véritable « bouclier langagier » comme leur civils sont pour eux des « boucliers humains » :
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