Cet esprit qui prévaut à la naissance de Tsahal, et qui continue en partie de l’influencer (au moins subjectivement et fantasmatiquement), c’est celui d’une armée non pas d’envahisseurs ni de colonisateurs ni d’impérialistes, mais de stricts défenseurs du peuple juif (en Israël et au dehors) contre les puissants persécuteurs.
Survol d’Auschwitz par l’armée de l’air en 2015 :
Cet esprit particulier, qui ne peut laisser insensible aucun Juif au monde, est aussi enraciné en Tsahal que les références aux combats et victoires du Prophète le sont pour une armée musulmane moderne, ou que le glaive est associé à la chahada (profession de foi) sur le drapeau saoudien.
Et l’on doit ajouter que les massacres sont aussi profondément intégrés dans l’imaginaire musulman, de Mahomet jusqu’aux attentats djihadistes (faire sciemment sauter un bus ou un avion rempli de civils, cela participe du massacre, pas de l’acte de guerre) en passant, bien entendu, par les massacres de Nabi Moussa en 1920 ou de Hébron en 1929, qui estomaquèrent par leur sauvagerie la communauté sioniste, ne manquant pas de faire écho à leur histoire familiale récente, celle des sanglants pogroms d’Europe de l’Est…
Bensoussan :
« Les massacres contre des civils juifs furent la règle dès le début des années 1920. Début décembre 1947, à la raffinerie de Haïfa, 39 travailleurs juifs sont tués par leurs collègues arabes en représailles à un attentat commis par l'Irgoun. Le 2 décembre 1947, à Jérusalem, une foule armée de haches et de couteaux s'en prend à des civils juifs, puis le 12 décembre 1947, 28 d'entre eux sont massacrés dans le quartier juif de Jérusalem. Quand ils sont remis à leurs ennemis par les troupes anglaises, à l'instar de quatre soldats juifs le 12 février 1948, à Jérusalem, ils sont châtrés puis lynchés. En avril 1948, les blessés juifs de l'hôpital français de Jaffa sont assassinés puis décapités. Ces massacres créent un climat de terreur (c'est le but) qui induit l'exode, tant arabe que juif (70 000 Juifs quittent les zones les plus dangereuses). Emblématique à cet égard est la mise à mort, quatre jours après Deir Yassin, le 13 avril 1948, du convoi médical de l'hôpital Hadassah (Jérusalem): dix véhicules chargés de matériel médical et occupés par des médecins, des infirmières et des blessés, des professeurs d'université et quelques soldats destinés à assurer leur sécurité. Tombé tôt le matin dans une embuscade, le convoi est mitraillé durant six heures sans qu'interviennent les forces anglaises pourtant postées à proximité et responsables de cette zone. Au terme du mitraillage, 77 personnes sont brûlées vives (la plupart seront difficilement identifiées). Seule l'intervention tardive des troupes anglaises (sept heures après le début de l'attaque) empêche l'extermination complète du convoi.»
À cet égard, il n’y avait aucune différence entre révolutionnaires juifs sionistes et révolutionnaires juifs non sionistes. Tsahal est née de cette volonté farouche de ne plus se laisser massacrer.
« De 1903 à 1905 », écrit Henri Minczeles dans son Histoire générale du Bund, « les actions antipogromistes furent le souci constant des révolutionnaires juifs. Les groupes ou escouades se constituèrent dans les principales cités, chaque formation politique disposant de sa propre unité. L'armement était assez hétéroclite et souvent rudimentaire : couteaux, pieux, barres de fer, haches, armes à feu – revolvers et fusils – quelquefois des bombes de fabrication artisanale. Prêt à toute éventualité, le Bund rassembla un véritable arsenal jusqu'en 1908. Cela lui fut bien utile – ainsi qu'aux Poalé Tsion – lors des excès anti-juifs à l'automne 1905. Des séances d'entraînement militaire et paramilitaire se tinrent dans des lieux sûrs: des îles sur le Dniepr par exemple. Ces équipes ou escouades, appelées BO (Boevis Otriady) furent divisées en dizaines. Lorsqu'on pressentait un pogrome, les groupes étaient contactés par téléphone et se rassemblaient, prêts à riposter. Il en fut ainsi à Vilna, Varsovic, Rostov, Minsk, Gomel ou Dvinsk. Composés de jeunes ouvriers, charpentiers, serruriers, bouchers et d'autres corporations, les groupes d'autodéfense luttèrent aussi contre la police et, à diverses reprises, délivrèrent leurs camarades arrêtés. Dans certaines villes, le Bund devint le principal promoteur et l'organisateur général de l'autodéfense. Dans une large mesure, il fut l'initiateur d'une forme nouvelle de la guerilla urbaine et inspira la Hagana dans ses escarmouches en Palestine. »1
Lors du soulèvement du ghetto de Varsovie, en septembre 1942, lorsque Jan Karski rapporta deux messages des dirigeants de la révolte au monde extérieur, l’un avait été rédigé par un membre du Bund, l’autre par un chef sioniste, qui luttèrent et moururent ensemble :
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